27-04-2024 04:03 AM Jerusalem Timing

Un village chrétien de Syrie échappe au bain de sang mais pas aux voleurs

Un village chrétien de Syrie échappe au bain de sang mais pas aux voleurs

Un reportage fait par l’AFP.

Syrie/village de YacoubiyéLes bibles n'ont pas bougé de leur présentoir de bois sculpté. Sur l'autel, des chandeliers ont été renversés. A l'image de son église, le village chrétien d'Al-Yacoubiyé a échappé aux destructions de la guerre en Syrie, mais pas aux rapines de la soldatesque.

Le long de l'avenue principale de ce bourg agricole de la province d'Idleb (nord-ouest), un vieux cimetière aux croix de pierre annonce l'église apostolique (orthodoxe) arménienne. La porte est ouverte aux quatre vents.

Le ou les visiteurs cherchaient à l'évidence des objets de valeur. Sous un portrait bienveillant de la Vierge Marie, le calice a disparu du tabernacle entrebâillé. Le choeur et la sacristie ont été fouillés.

Dans la montagne verdoyante qui surplombe la vallée de l'Oronte, Al-Yacoubiyé est tombé il y a deux semaines aux mains des rebelles.

Les combats ont duré plusieurs jours autour d'une position fortifiée de l'armée à l'entrée du village, avant que les militaires ne se retirent vers Jisr al-Choughour, plus au sud.

Les soldats ont ainsi épargné au hameau chrétien --deux églises arméniennes et une catholique-- une bataille de rues qui l'aurait inévitablement transformé en champ de ruines.

Seuls quelques hommes, une poignée de personnes âgées, et un prêtre catholique sont restés pendant les affrontements. "Près de 600 personnes vivent ici en hiver", précise George, retraité à épaisse moustache, dont la famille est enracinée ici "depuis mille ans".

Dans une région majoritairement musulmane sunnite, ce village de paysans, "moitié arménien moitié catholique", sert de villégiature d'été à des chrétiens d'Alep, la grande métropole du nord. "Chrétiens et musulmans vivent ici en frère depuis des siècles", insiste Georges.

Archange Saint Michel

En ce jour de pluie, de rares habitants s'aventurent dans les rues envahies par un épais brouillard. Les ordures s'ammoncellent aux coins de rue et beaucoup de maisons sont fermées. Quelques portes et volets ont été visiblement forcés.

Jusqu'à leur départ précipité, les forces loyalistes avaient pris leur quartier dans le jardin de l'autre église arménienne, avec chars et blindés.

Les soldats n'ont pas pénétré dans l'église elle-même, toujours fermée, mais le parvis n'est plus qu'un dépotoir à ciel ouvert de sacs de sables, chiffons souillés, restes de popotes et autres immondices.

Dans Al-Yacoubiyé "libéré", les rebelles de l'Armée syrienne libre (ASL), pour la plupart originaires de villages sunnites voisins, occupent plusieurs demeures sur l'avenue centrale, avec l'accord de leur propriétaire, affirment-ils.

Jeune chef d'un bataillon, Moussa Beidaq est installé dans une habitation à deux pas de l'église catholique. Les clés lui ont été remises par le prêtre, à condition de ne rien endommager.

Icônes et crucifix sur les murs, portraits de l'archange Saint Michel terrassant le dragon, rien n'a bougé dans le salon.

"Nous serons bientôt partis", promet Moussa, 27 ans. "Il n'y a eu aucune violence contre ce village, et nous n'en tolèrerons aucune".

"Pas un villageois n'a été tué", renchérit Joseph, quadragénaire selon qui les relations avec l'ASL sont "correctes".

Ce sont plutôt des catholiques qui sont restés. Beaucoup d'Arméniens, dont certains ont accepté de servir de supplétifs aux loyalistes, ont préféré fuir par peur des représailles, soutient Joseph. "Nous, catholiques, avons refusé de porter les armes distribuées par l'armée".

Des familles sont déjà discrètement revenues, certaines malheureusement pour découvrir que leur maison avait été cambriolée.

Selon Moussa, "des soldats ont forcé les maisons vides", reconnaissant aussi que des insurgés ont volé dans des maisons.

"Ne cherchez pas les coupables uniquement dans l'un ou l'autre camp", glisse Georges, philosophe, en conclusion. "Il y a de bonnes et mauvaises personnes partout."