25-04-2024 11:52 PM Jerusalem Timing

Syrie : l’histoire du kidnapping et de la libération des femmes de Fou’a

Syrie : l’histoire du kidnapping et de la libération des femmes de Fou’a

"Les gens du front al-Nosra sont des entêtés, et nous sommes contre eux. Mais ce sont des criminels, si tu ne leur obéis pas, ils t’égorgent"

Vue aérienne via Google dy village Fou'aLe 14 février dernier, un autobus transportant 48 femmes et enfants originaires de la province d’Idleb a été enlevé et emmené vers une destination inconnue.
Les passagères et leurs enfants, tous des Musulmans chiites, venaient de quitter leurs villages, Fou’a et Kfaraya, assiégés par les miliciens de l’insurrection depuis plusieurs mois, pour se rendre  vers la capitale.

Les miliciens pilonnent le village de Fou'aD’après ce qu’ont raconté les femmes, après leur libération, il semble que la compagnie de transport d’autobus, Société Sin,  était de mèche avec les ravisseurs. Elle a fait exprès de rassembler les femmes dans un seul bus, alors qu’elles s’étaient rendues à différents moments a la station et montés à bord de plusieurs bus.

Cet incident était le premier du genre car il violait un accord traditionnel de vigueur dans ces régions rurales, en fonction duquel il ne faut surtout pas s’en prendre aux  femmes, et encore moins dans les opérations d’enlèvements. Durant le siège, les miliciens permettaient aux femmes et enfants de sortir du village, tout en l’interdisant aux hommes, sous peine d’être kidnappés et égorgés. Plusieurs hommes ont subi ce sort, dont le villageois Mohammad-Ali Kassem qui a été arrêté alors qu'il se rendait à une station pour acheter de l'essence, le mois de juillet dernier . Son cadavre a été retrouvé sans vie avec des traces de torture. 
Le kidnapping des femmes constituait une violation d'une coutume enracinée et ouvrait les portes de l’enfer.

Village Fou'aDès lors, les parents et proches n’avaient d’autre alternative que de procéder au contre-enlèvement.

Ironie du sort, un des kidnappeurs de Fou’a, Youssof A. a même rencontré parmi les enlevés ses camarades de classe au lycée d’Idleb.
Durant leur séquestration, il n’a cessé de s’excuser d’eux, leur répétant qu’il n’a eu recours à leur enlèvement que pour obtenir la libération des femmes et enfants.
«  Par dieu ne m’en voulez pas. je vous jure que c’est seulement pour récupérer les femmes.. Elles sont notre honneur ! », leur disait-il.
Les proches avait d’autant peur qu’une vidéo circulait sur la toile, filmant un rassemblement de quelques miliciens d’Al-Nosra dans le village avoisinant Nabach, et dans lequel un jeune garçon fredonnait un chant menaçant d’égorger les musulmans alaouites et chiites, et les habitants de ces deux villages nommément.

Le village de KifrayaPour leur part, les kidnappés, une trentaine d’hommes selon certaines estimations, étaient très émus par l’histoire de leurs ravisseurs. Durant les contacts téléphoniques avec leurs proches, ils insistaient auprès d’eux pour obtenir la libération des femmes.
L’un d’entre eux, Abdel Rahmane al-Youssef fut d’autant plus surpris qu’il avait entendu des histoires à dormir debout sur la soi-disant barbarie des habitants de Fou’a et Kfaraya.
«  J’avais entendu dire qu’ils égorgeaient les enfants et violaient les femmes », précise-t-il, assurant avoir prononcé les deux chahada mille fois lorsqu’il a été enlevé et emmené à Foua, tellement il croyait ces histoires. Il signale être vraiment étonné par ses ravisseurs, qui partagent avec eux leur nourriture, et leur ont même apporté des cigarettes !

Les tractations ont permis de découvrir que ce sont les miliciens  du Front al-Nosra qui ont effectué l’opération d’enlèvement des femmes. Un cheikh sans grande importance leur avait décrété une fatwa permettant de prendre en esclaves les femmes des impies et de toutes les communautés. Les victimes avaient d’ailleurs été enlevées à la hauteur du village Sarakeb, contrôlé par cette milice.
«  Les gens du front al-Nosra sont des entêtés, et nous sommes contre eux. Mais ce sont des criminels, si tu ne leur obéis pas, ils t’égorgent. On n’en finit pas ni avec les uns ni avec les autres », a confié avec agacement un kidnappé.

Le milicien qui a menacé les habitants de Fou'a d'entretenir des liens avec leurs voisins chiitesle mois de juiller dernier, un milicien du front al-Nosra s'est adressé aux habitants sunnites de Fou'a et de tous les autres villages, les mettant en garde contre toute relation avec les chiites, l'assimilant à de la collaboration avec l'ennemi. Il a juré par Dieu d'égorger quiconque qui le ferait.

Finalement, le contre enlèvement a porté ses fruits. Le 21 février, les femmes et enfants ont tous été libérées. Dès leur arrivée au village Fou’a, leurs proches ont libéré les contre-kidnappés. Avant de partir, tous s’échangèrent les numéros de téléphone, se promettant de rester en contact. Tous ont prié pour en finir avec cette tragédie qui ensanglante la Syrie.
Comme si le sort de leur pays n’était plus entre leurs mains !

( Source: l'histoire à été reprise du quotidien AsSafir et d'autres sources)