18-04-2024 09:30 AM Jerusalem Timing

Trois facteurs qui empêchent la chute de Damas

Trois facteurs qui empêchent la chute de Damas

C’est l’avis du célèbre expert politique iranien arabophone, Mohammad Sadeq al-Husseini.

L’agence iranienne Fars News a effectué un entretien avec l’expert politique iranien arabophone Mohammad Sadeq al-Husseini, célèbre dans le monde arabe, pour s’exprimer sur les récentes évolutions syriennes.

Les renseignements US prévoyaient des changements arabes

Q- Le mouvement de l’éveil islamique a commencé il y a deux ans au Moyen-Orient. A votre avis, qu'est-ce qui distingue ce qui se passe actuellement en Syrie des événements survenus dans d’autres pays arabes ?

Sadeq Al-Husseini : Beaucoup d’analystes croient que ce qui s’est produit depuis plus de deux ans dans le monde arabe n’est en fait qu’un épisode du scénario que les Etats-Unis ont planifié, depuis longtemps, pour introduire certains changements au Moyen-Orient et dans le monde arabe. C’est pourquoi, ils l’ont baptisé «Printemps arabe», pour exprimer ainsi leur méfiance.

Plusieurs mois avant l’éclatement des révolutions dans certains pays arabes, seize agences de sécurité et de renseignements des Etats-Unis avaient remis un rapport commun au Président Barack Obama, pour lui dire que le monde arabo-musulman aurait besoin de changements profonds, à tous les niveaux, politique, social et culturel. Ces agences américaines estimaient que les régimes en place dans la plupart des pays arabes, n’avaient même pas la force de défendre leurs propres intérêts et qu’ils ne pouvaient plus rendre service aux intérêts des Etats-Unis dans la région. 

Par ailleurs, les peuples arabes avaient compris mieux que quiconque que leurs gouvernements étaient devenus plus instables que jamais et que l’occasion se prêtait pour que des mouvements populaires puissent les renverser. Une victoire des mouvements populaires arabes aurait  donc pu affaiblir l’hégémonie américaine dans toute la région. Cependant, le mouvement était assez lent et seuls les analystes les plus avisés auraient pu prévoir l’avènement des grands mouvements populaires dans les pays arabes.

C’est l’Occident qui a envoyé al-Qaïda en Syrie

Q- Quant à la Syrie, s’agit-il selon vous, d’une insurrection ou d’un mouvement populaire et islamique ?

Al-Husseini : En Syrie, la population souhaitait des changements. D’ailleurs, le gouvernement a affiché sa volonté de les introduire dans le système politique et social du pays. Mais n’oublions pas que la Syrie constitue l’une des pièces maîtresse de l’axe de la Résistance anti-israélienne dans la région, d’autant plus que ce pays a une armée puissante, capable de résister aux menaces du régime sioniste.

C’est pourquoi l’Occident et certains gouvernements arabes de la région ont décidé de profiter de l’occasion, pour prendre en main l’initiative : ils ont décidé d’armer une partie de l’opposition au gouvernement syrien, ils ont envoyé des terroristes et encouragé Al-Qaïda pour déclencher une véritable guerre contre le gouvernement du Président Bachar al-Assad, afin de le renverser.

Dans ce contexte, aucune place n’a été envisagée, pour le droit du peuple syrien à déterminer, lui-même, son avenir. En déclenchant la guerre civile, en Syrie, les ennemis extérieurs de Damas ont essayé d’écarter le peuple de la scène politique, et de détruire un Etat qui faisait partie de l’axe de la Résistance contre le régime israélien. De nombreux terroristes sont arrivés en Syrie. Ils viennent de Tchétchénie, d’Afghanistan, du Pakistan, et de plusieurs pays arabes, et ils croient qu’ils se battent contre Israël ou les impies !

L’un des buts occidentaux de la guerre en Syrie : démembrer la Russie

Q- Quel est le but final de cette guerre, sur le plan régional ?

Al-Husseini : Si l’Occident réussit à obtenir ce qu’il veut en Syrie, il menacera ensuite la Russie et la Chine, ses principaux adversaires, sur le plan international. L’un des projets stratégiques des Etats-Unis et de leurs alliés occidentaux consiste à démembrer la fédération de Russie. Le Kremlin en est parfaitement conscient.

Le projet de l’Occident, en Syrie est comparable à ce qui s’était déjà produit, en Irak. Le groupe terroriste d’Abou Mus’ab Zarqawi a mené des opérations terroristes en Irak, contre la population et les intérêts nationaux du pays, en suggérant qu’il luttait contre les occupants américains. Mais en réalité, l’objectif de ce groupe terroriste, financé et soutenu par certains régimes arabes de la région et les Etats-Unis, était d’affaiblir la position des vrais révolutionnaires face aux occupants américains.

Créer en Syrie un régime wahhabite subordonné aux USA et à l’Arabie

Q- Voulez-vous dire qu’ils sont des terroristes privés de toute assise populaire en Syrie ?

Al-Husseini : En Syrie, la population aspirait aux changements démocratiques et aux réformes. Mais un courant sectaire et terroriste, composé d’éléments salafistes est entré en scène pour semer la haine et la violence en Syrie, en essayant de déclencher une guerre entre Sunnites et Chiites. Ils ont donc rendu un grand service à l’Occident, qui voulait affaiblir la position régionale de la République islamique d’Iran. Le but des ennemis de la Syrie est de créer un régime wahhabite subordonné aux Etats-Unis et à l’Arabie saoudite. Ce qui se passe, actuellement en Syrie, c’est une guerre coloniale, pour dissuader les peuples de se soulever contre les tyrans. Mais à la fin, les pays comme la Turquie, l’Arabie saoudite et les autres régimes arabes qui s’opposent à leurs propres populations, en seront les vrais perdants.

Le gouvernement syrien n’a pas vite saisi l’ampleur du complot

Q- Vous pensez que si le gouvernement syrien s’était comporté autrement avec l’égard des opposants, la crise aurait-elle été mieux contrôlée ? 

Al-Husseini : Il faut admettre qu’au début, le gouvernement a commis des erreurs très importantes. Mais n’oublions pas que depuis l’affaire de l’assassinat de Rafic Hariri, le projet du «changement du régime» avait été déjà déclenché contre Damas. Les erreurs commises par le gouvernement et l’armée, au début de la crise en Syrie ont certainement aidé les Américains et leurs alliés arabes à attiser le feu des violences dans le pays. J’ai l’impression que le gouvernement syrien n’a pas saisi assez vite l’ampleur du complot qui s’était tramé contre lui, d’où la transformation de la crise intérieure en une affaire régionale et internationale. 

Q- Certains croient que la Russie ne soutient plus comme avant le gouvernement syrien. Que pensez-vous des récentes déclarations du président et du Premier ministre russes, à propos des événements de la Syrie ?

Al-Husseini : Les récentes prises de position de Poutine et de Medvedev montrent que la communauté internationale cherche à trouver une solution globale pour sortir de la crise syrienne. Le Président Poutine a déclaré que ce qui compte le plus pour Moscou, c’est l’avenir de la Syrie, et non pas celui du Président Assad. Trois facteurs ont permis à Damas de résister : la cohésion de l’armée, le maintien de l’unité territoriale et la cohésion sociale.

Assad va rester au pouvoir

Q- Quel avenir, pour la Syrie ? Le gouvernement du président Assad pourra-t-il rester au pouvoir ?

Al-Husseini : Je pense que le Président Assad restera à la tête du gouvernement et qu'il présentera sa candidature aux élections de 2014. A mon avis, le prochain gouvernement de la Syrie sera un gouvernement de coalition composé des éléments du gouvernement actuel et de l’opposition. C’est ce qui s’est déjà produit, au Liban. Je pense que les Occidentaux ont compris qu’ils ne peuvent rien changer en Syrie. Ils se contenteront donc d’un compromis, pour sortir de l’impasse et sauver la face