29-03-2024 04:42 PM Jerusalem Timing

La Turquie risque de payer fort cher la facture de son implication en Syrie

La Turquie risque de payer fort cher la facture de son implication en Syrie

Les kurdes menacent de guerre d’ici trois mois avec le recrutement de 50000 combattants..Pire, selon un rapport de Reuters, le sectarisme s’infiltre dans la société turque menaçant son unité..

Prise dans le piège syrien, la Turquie risque de payer fort cher la facture de son implication dans la crise syrienne, tant sur la scène politique interne que régionale avec la question kurde.

En effet, dans son dernier  article publié dans le quotidien asSafir, le journaliste Mohammad Noureddine, spécialiste des affaires turques rapporte que selon un rapport du journal turc Taraf,  les relations entre le gouvernement d'Erdogan et les Kurdes risquent d'assister à une escalade dans les prochains jours  !

Alors que, paradoxalement il y a quelques jours, le premier ministre Recep Erdogan avait exprimé son intention d'entamer des négociations avec le PKK.

« Mais, il semblera que la politique kurde d’Erdogan est sujette à confusion », accuse Noureddine.

A vrai dire, selon ce quotidien turc,  le chef du parti des travailleurs du Kurdistan, Abdallah Oglan ,  en détention dans la prison de l'île Emraly, en Turquie,  a envoyé  un message d'avertissement à Erdogan via  son frère Mohammad, qui semble-t-il aurait été envoyé par le gouvernement turc pour entamer des négociations.

 A l'offre du dialogue d'Erdogan, Oglan  aurait répondu : " ces pourparlers ne mettront pas fin à l'effusion du sang et la fin de ce bain de sang ne peut survenir sans que les Kurdes retrouvent au moins en partie leurs droits".

Mais encore, selon ce rapport, Oglan aurait envoyé via son frère Mohammad un autre message au  leader du «Parti de la paix et de la démocratie» , Mohamad Dimirtach l'exhortant de "tout faire pour obtenir gain de cause au cours de ces négociations, quitte à recruter 50000 combattants prêts à entrer en guerre contre la Turquie  au Printemps prochain" ; ajoutant que "le nombre actuel des combattants, soit dix mille, est insuffisant".


Or, le journaliste d'asSafir rapporte que « Dimirtach a travaillé sur deux axes: le premier, entamer des négociations avec le gouvernement d'Erdogan; et le deuxième, recruter des combattants ».

Le rapport précise qu'Oglan a écrit à Dimirtach que "si la guerre est nécessaire, alors faisons une guerre dans tous les sens du terme, car dans ce cas elle durera trois mois".

Cela dit, Oglan avoue que  "la guerre que  le PKK a entamée durant ses trente dernières années, n'était pas une véritable guerre, d'où elle n'a pas donné les résultats escomptés”. Ajoutant que "le nombre de combattants devrait être prêt d'ici trois mois".

Dans sa lettre,   Oglan estime que "le gouvernement Erdogan n'est pas sincère dans son discours à propos d'une solution" et exige à ce que "le gouvernement prouve son intention dans les trois mois à venir, toutefois il peut le faire durant un mois s'il le désire. Car le problème ne peut pas être résolu selon un agenda électorale présidentiel".

" Erdogan parle tantôt de dialogue tantôt de  guerre et les kurdes croient surtout que le premier ministre turc tente de s'acheter du temps et de laisser trainer la question kurde" poursuit Oglan.

Et de menacer: " La guerre sera déclenchée si Erdogan n'honore pas ses engagements au cours de ses pourparlers avec les Kurdes"! 

A travers ce regain de tension entre le PKK et le gouvernement turc, le quotidien souligne que « le PKK cherche à atteindre deux objectifs: d'une part la libération d'Oglan de la prison et le placer en résidence surveillée et d'autre part, l'escalade de la guerre via le recrutement de 50000 combattants ».

Or, Erdogan est loin d’être sorti d’affaire, car non seulement il a les kurdes sur le dos, mais en plus  à cause de son ingérence dans les affaires syriennes, il a réussi à provoquer l’animosité de la majorité des partis de gauche arabes et même européens..

 
Les partis de gauche arabes se réunissent à Istanbul et pointent du doigt Erdogan


A l'issue de deux jours de réunion des partis de gauche arabes, lors de la conférence internationale qui a eu lieu à Istanbul sous le titre : «soulèvements arabes et  slogans de prochaine période»,  les partis de gauche ont condamné la politique étrangère d'Erdogan au Moyen-Orient surtout à l'égard de la Syrie.

Au cours de cette conférence, les participants ( le Parti communiste libanais,  les partis de gauche du monde arabe , de la Turquie, de l'Iran, de l'Allemagne et de l'Espagne, ainsi qu’un certain nombre de députés turcs  intéressés par  la politique étrangère de la Turquie, et les soulèvements arabes, sans oublier la question kurdes) ont discuté  de l' «attaque américaine soutenue par l'Occident, la Turquie et l'entité sioniste, en coopération avec  les  forces arabes et islamiques  de droite dites modérées,  afin de contenir les révoltes populaires et les diriger contre les intérêts de leurs peuples», selon un communiqué publié par le parti communiste libanais.

Les participants ont adopté une déclaration conjointe dans laquelle ils condamnent la politique américaine dans le monde arabe ainsi que la politique d'Erdogan au Moyen-Orient et exigent le «retrait  des bases américaines et de  celles de l'OTAN en Turquie et dans le Golfe".

Il reste que la plus grande menace qu’Erdogan devra désormais affronté dans les mois  à venir est celle du sectarisme qui commence à s’infiltrer dans le tissu social de la communauté turque.


Le sectarisme : une réelle menace contre l’unité turque


Parmi les retombées négatives de l’implication d’Erdogan dans la crise syrienne, l’arrivé de réfugiés syriens sur le sol turc,  fuyant les combats dans leur pays, a attisé les tensions enter les Turcs alaouites et les Turcs sunnites, les premiers critiquant la politique  d’Erdogan envers le président syrien Bachar al- Assad.

Ainsi, dans la province de Hatay , située à la frontière turque, où cohabitent plusieurs minorités religieuses chrétiennes au sein d’une majorité de musulmans sunnites, la critique des Turcs-arabes qui partagent avec les alaouites de Syrie la même doctrine,  croît envers le gouvernement d’Ankara à cause  des milices d'opposition qu’il envoie  pour se battre contre le gouvernement syrien.

Certains alaouites  rapportent des incidents isolés entre sunnites et alaouites, voire ils parlent d’ « une force alaouite qui commence à s’armer ».

En fait, les alaouites estiment que « la Turquie, qui était à une époque le partenaire commercial le plus  important et un allié primordial du président Assad,  joue la carte du sectarisme en fournissant tout le soutien nécessaire à la partie qui est censée gouverner la Syrie après la chute de Bachar alAssad.  Notamment, « des figures de l'opposition et des ex-responsables de l'armée syrienne résidant en Turquie ».

Parmi les cas cités par l’agence Reuters, illustrant ce début de sectarisme qui menace de causer une fracture au sein de la société turque ; le cas d’un milicien, qui a refusé  une infirmière turque, dans un hôpital à Antioche de soigner un de ses compagnons sous prétexte qu’elle était alaouite !

 «Je ne veux pas qu’elle le soigne. Elle est alaouite, et les alaouites sont tous des espions » a-t-il affirmé.

Toujours selon Reuters, un propriétaire de café, un dénommé Ibrahim avait interrogé les gens assis autour de lui : «  Qui dans cette salle a au moins un parent en Syrie? Tous ont levé la main, ils  étaient tous  Alaouites, dont un sunnite et un chrétien.

 «Nous sommes tous en quelque sorte lié à la Syrie. Et ce que la Turquie fait là-bas, nous affecte tous. Si la Turquie  suspend son soutien, la  guerre s’arrêtera ».

A noter, que la  moitié de la population de la province de Hatay, soit  1,5 million d'habitants, est  des Alaouites. Cette province est un devenue partie intégrante  du  territoire de la Turquie suite à un  référendum en 1939, lorsque la Syrie était sous mandat français.  La République turque n'avait  que 16 ans.