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Trois îles dans le Golfe... pas comme les autres

Trois îles dans le Golfe... pas comme les autres

Abou Moussa, la grande et la petite Tomb font partie de 14 autres îles appartenant toutes à l’Iran.

Le litige autour des trois îles controversées entre la République Islamique d’Iran et les Emirats Arabes Unis a ressurgi dernièrement à la surface, à la suite de la visite du Président iranien Mahmoud Ahmadinejad à l’île Abou Moussa.

Considérée par les Emiratis et les pays du Golfe comme un pas provocateur, et par les Iraniens comme une affaire interne, cette visite ne fut qu’un alibi pour attiser encore plus les tensions avec le régime iranien sur une affaire datant du siècle dernier.

Nombreuses sont les recherches qui documentent historiquement et géographiquement l’affaire des trois îles : D’aucuns affirment qu’elles faisaient toujours partie du territoire iranien, d’autres prétendent le contraire. Les calculs politiques et stratégiques demeurent en effet les facteurs les plus influents de cette question.

Toutefois, les faits purement historiques documentés peuvent à eux seuls trancher définitivement cette affaire, vu qu’ils sont des faits indéniables.

Localisation géographique des trois îles :

Parmi les îles appartenant territorialement à l’Iran dans le Golfe persique, on en cite : Hengam, Qeshm, Hormuz, Lark, Lavan, Kich, Sirri, la grande et la petite Khark, et la grande et la petite Forur. C’est dans cette même région que se situent les trois îles controversées : Abou Moussa, la grande et la petite Tomb.

les trois îles controversées

La ligne blanche semi-circulaire montrant Abou Moussa, la grande et la petite Tomb en territoire iranien

1- La grande Tomb se situe à 14 miles nautiques au Sud-Ouest de Qeshm, à 50 km de la côte iranienne et 75 km de l’émirat Rass el-Khayma (Emirats Arabes Unis).
2- La petite Tomb, de forme triangulaire, se trouve à 6 miles nautiques à l’Ouest de la grande Tomb et à 150 miles nautiques de la voie maritime. Sa surface est de 2 km² et elle est déserte.
3- Abou Moussa, se situe à 222 km de Bandar Abbas, et à 75 km de Bandar Lengeh (au sud de l’Iran). Elle est distante de 60 km de l’émirat de Sharqa (Emirats Arabes Unis).

Aperçu historique ¹:

Depuis 1151-1165 av. J-C, passant par le mandat de Mehrdad le Premier (138-171 av. J-C), les îles du Golfe persique, notamment Abou Moussa et la grande et la petite Tomb, faisaient partie de la circonscription de Perse.
Lors de l’occupation portugaise de cette région, les îles en question furent soumises à l’influence des marins portugais. Une grande partie de ce territoire ainsi que les ports iraniens ont été ensuite libérés avec l’avènement du Chah Abbas Safawi.
En 1768, Latif Khan Washestani fut  nommé gouverneur des Etats du Sud iraniens et commandant général des ports et des îles du golfe persique.
En 1800, Karim Khan régna sur toute la Perse et les îles du Golfe, dont Abou Moussa.

Le Golfe persique

En 1891, la Grande-Bretagne occupa les trois îles controversées. Dès la première décennie du XIXème siècle, le gouvernement iranien a revendiqué à maintes reprises son droit à régner sur Abou Moussa et la grande et la petite Tomb.
Le 24/02/1930, le ministère iranien des Affaires étrangères adressa une lettre de protestation à l’ambassade britannique pour avoir hissé le drapeau britannique sur la grande Tomb et Abou Moussa.

En 1971, l’Iran signa un accord avec la Grande-Bretagne qui stipule le retrait des forces britanniques de ces îles et l’entrée des forces iraniennes. C’est ainsi que l’Iran récupéra sa souveraineté sur les trois îles après 70 ans d’occupation.
En effet, le 9/12/1971, la Grande-Bretagne reconnut à l’Iran son droit de posséder et de régner sur les îles, en présence du représentant britannique, qui occupa à l’époque la fonction du superviseur juridique sur les Emirats.

Quant aux chercheurs qui défendent la position émiratie sur la possession de ces îles, ils présentent une version différente sur le retrait britannique de la région. Selon eux, le 29 novembre 1971, et à 48 heures du retrait britannique et de l’annonce de l’Etat d’Union entre les sept Emirats, baptisés les Emirats Arabes Unis, les forces militaires iraniennes ont mené une attaque contre la grande et la petite Tomb. Des affrontements ont opposé les policiers de Rass elKhayma aux soldats du Chah, et les deux îles furent occupées par les Iraniens après avoir chassé leurs habitants².

Et les chercheurs de poursuivre : C’est ainsi que le gouverneur de l’émirat de Sharqa se résigna et accepta le mémorandum d’entente avec les Iraniens sous la supervision du gouvernement britannique. Voilà comment les Iraniens confirment que les iles leur appartiennent alors que les Emiratis défendent le contraire. Pour cette raison, un accord entre les deux parties fut nécessaire voire indispensable.

L’accord de 1971 :

L'Iran et ses îles dans le Golfe

Dans l’introduction du mémorandum d’entente entre les deux parties, on indique que « ni l’Iran, ni Sharqa ne renonceront à revendiquer leur droit à la possession d’Abou Moussa », et qu’ « aucune partie ne reconnaitra les revendications de l’autre ». 
Pour cette raison, des dispositions ont été prises à cet égard², on en cite:

1- Des forces iraniennes arriveront à Abou Moussa et occuperont les zones convenues.
1. a- L’Iran a le droit d’exercer toute son autorité sur les zones convenues par l’accord et d’y hisser son drapeau.
             b- Sharqa exerce son autorité sur le reste de l’île et hisse son drapeau sur le poste de police.
2- L’Iran et Sharqa fixent à 12 miles nautiques l’étendue des eaux régionales.
3- Les citoyens de Sharqa et de l’Iran ont le droit de pêcher dans les eaux régionales d’Abou Moussa….

Les Emirats Arabes Unis réfutent donc toutes les informations documentées sur la possession historique de l’Iran des trois iles, et justifient leurs allégations en mentionnant la présence de citoyens arabes à Abou Moussa et la grande Tomb.

A ce sujet, l’expert des affaires iraniennes Habib Fayyad affirme dans une interview au site de la chaine alManar que certains arabes ont séjourné sur les deux iles lors de l’occupation britannique de la région. « On peut donc trouver des arabes possédant des propriétés sur lesdites iles, mais ceci ne signifie pas qu’elles échappent à la souveraineté iranienne », dit-il.

Et d’ajouter que personne ne peut contester le rôle de la répartition territoriale coloniale qui a imposé des changements géographiques sur toute la région, comme en Irak, en Turquie, En Afghanistan, au Pakistan, au Liban et ailleurs.

Bien que l’Iran possède un dossier complet sur la partialité de l’Occident contre ses intérêts, il n’a jamais cessé d’appeler à régler ce différend par la voie des négociations pacifiques. Une preuve de plus sur le souci iranien de préserver le calme dans cette région, et d’empêcher toute exploitation politique de la situation à chaque occasion.

Sources:

1-Le statut économique et géopolitique des trois îles, Ceyhan, 14/06/2004. (Site des Nations Unies, des articles publiés par le centre d'information, et le centre d'études  du Golfe à la revue du Golfe, Youssef elYaacoub Samadi, licence en droit, université de Damas).

2-  Annexe au colloque de Mehrdad Khonary, directeur du bureau du Shah d’Iran à Londres, « Les horizons iraniens au sujet de deux îles la grande et la petite Tomb et l’île d’Abou Moussa », page 178-179.