19-03-2024 04:27 AM Jerusalem Timing

Les ennemis de la Syrie se lancent dans l’escalade pour sauver la face

Les ennemis de la Syrie se lancent dans l’escalade pour sauver la face

Ni les Turcs, ni les Saoudiens, ni les USA, ni Israël n’ont renoncé à leur projet de « changement de régime » en Syrie par les armes.Mais leurs mandataires ont subi de lourdes pertes et sont en passe de perdre le combat.

L’armée russe a déclaré jeudi qu’elle avait de « sérieuses raisons » de penser que la Turquie faisait des préparatifs intensifs pour envahir la Syrie voisine.

Des photos d’un poste de contrôle à la frontière entre la ville turque de Reyhanli et la ville syrienne de Sarmada datant de fin octobre et fin janvier révèlent une extension des infrastructures de transport qui pourrait avoir pour objet de déplacer des troupes, des munitions et des armes, a indiqué le Major Général Igor Konashenkov, porte-parole de l’armée, dans une déclaration rédigée en anglais.

Il a ajouté que ce n’était qu’un signe parmi d’autres des « préparatifs secrets des forces armées turques en vue d’actions concrètes en territoire syrien.

Un responsable du ministère turc des Affaires étrangères a répondu que le ministère ne ferait aucun commentaire dans l’immédiat.

Des photos du poste frontière sont jointes à la déclaration du service de presse du haut commandement russe (vidéo avec sous-titres anglais).

Hier la Turquie a interdit un vol de reconnaissance russe du « Traité ciel ouvert» au-dessus de la zone frontière turco-syrienne. L’OTAN effectue des dizaines de vols de ce type au-dessus de la Russie chaque année, de même que la Russie au-dessus des pays de l’OTAN. C’est à ma connaissance la première fois qu’un vol de cette nature, qui avait pourtant été demandé et accepté, est bloqué par le pays au-dessus duquel il est effectué.

Le porte-parole militaire russe n’a pas mâché ses mots :
"Il faut rappeler que le ministère russe de la Défense a intensifié la collecte de renseignements de mille manières dans la région du Moyen-Orient.

Voilà pourquoi, celui, à Ankara, qui croit que l’interdiction du vol d’observation russe permettra de cacher quelque chose, n’y connait rien".

La victoire décisive du gouvernement syrien, hier, coupe les insurgés soutenus par l’étranger à Alep et Idlib de leurs sources de ravitaillement en Turquie et les prive de leur approvisionnement en carburant.

En réaction à cette victoire, les partisans des insurgés et des terroristes en Syrie vont probablement redoubler d’efforts. Les négociations de Genève ont échoué à cause de la victoire syrienne, et les Saoudiens avaient déjà annoncé qu’un tel échec les conduirait à augmenter leur aide. Le ministère saoudien de la Défense a déclaré aujourd’hui que les forces terrestres saoudiennes pourraient prendre part à l’action en Syrie. Il est douteux que les Saoudiens aient vraiment la capacité de le faire. Mais les Saoudiens et d’autres vont maintenant à nouveau arroser les insurgés djihadistes en Syrie d’argent et d’armes neuves. Une invasion turque pourrait conforter leur action.

Si invasion il y a, elle se fera à la frontière syro-turque entre Azaz et Jarabulus, qui est actuellement contrôlée par l’Etat islamique. Les Unités de protection du peuple kurde syriennes projettent de prendre cette zone avec l’aide russe et de fermer la frontière. La Turquie ne veut pas que cela se produise. Ses bonnes lignes de communication avec l’État islamique doivent rester ouvertes.

Alors, une invasion turque de la Syrie est-elle en préparation ? Je crois que oui.

Mais va-t-elle vraiment se produire ? Je crois que non.

L’OTAN va empêcher la Turquie de se lancer dans une aventure aussi malavisée. Cela pourrait provoquer une guerre avec la Russie, et aucun pays européen de l’OTAN n’aimerait que cela se produise. Sans le soutien de l’OTAN, il y a peu de chance que l’armée turque accepte de se lancer dans une telle aventure.

La révélation russe des préparatifs turcs a, de plus, un fort effet de dissuasion. Car cela signifie que la Russie réagirait fermement en cas d’invasion turque, et la Russie a suffisamment démontré maintenant qu’elle a les moyens d’agir de façon décisive.

Mais s’il est peu probable que la Turquie envoie son armée, elle peut utiliser des forces par procuration pour capturer davantage de territoire syrien.

Le lobby sioniste à Washington, en l’espèce l’Institut de Washington, conseille à la Turquie d’envahir la Syrie par procuration pour maintenir les Kurdes loin de la zone frontalière :

Le moyen le plus efficace de surveiller la zone frontalière d’Azaz-Jarabulus serait de veiller à ce qu’il y ait, du côté syrien de la frontière, beaucoup de forces amies de la Turquie, ou du moins opposés à l’EI. Ces forces amies pourraient être les Turkmènes syriens qui sont ethniquement liés aux Turcs et sont formés par la Turquie pour se battre au nord-ouest de la Syrie.

[L]es forces armées turques ont une artillerie moderne d’une portée de 35/40 km, des drones et d’autres moyens de protéger les forces amies qui géreraient une éventuelle zone de sécurité pour la Turquie.

Ces « Turkmènes » avait pris Lattaquié au nord du pays et ils viennent juste d’en être expulsés par l’armée syrienne et ses partisans. Ils regroupent des « loup gris » turcs fascistes, des islamistes turcs et tchétchènes et des mercenaires islamistes ouigours. Ils sont contrôlés par le MIT, les services secrets turcs.

Le plan d’ensemble a quelque chose d’illogique. Si, comme les lobbyistes de l’Institut de Washington le prétendent, la Turquie a intérêt à surveiller ou à fermer la frontière pour empêcher l’infiltration de l’État islamique, pourquoi cela ne peut-il pas se faire du côté turc de la frontière ? Pourquoi cela nécessite-t-il une illégale invasion par procuration de la Syrie ? Je ne trouve pas de bonne réponse à cette dernière question.

Les lobbyistes font aussi l’impasse sur la question des représailles éventuelles. Si l’artillerie turque tire en Syrie, alors la Syrie et ses partisans seront en droit de riposter par tous les moyens qu’ils jugeront nécessaires. Quelques missiles de croisière russes suffiront à neutraliser les bataillons d’artillerie turcs. Que se passera-t-il alors ?

Ni les Turcs, ni les Saoudiens, ni les États-Unis, ni Israël n’ont renoncé à leur projet de « changement de régime » en Syrie par les armes. Mais leurs mandataires ont subi de lourdes pertes et sont en passe de perdre le combat. On peut s’attendre à de nouvelles tentatives d’escalade, mais il me semble que ce sera surtout pour sauver la face. Il leur faut juste un petit peu de temps pour prendre conscience de la réalité et trouver un nouveau moyen de détourner l’attention de leur inévitable défaite.

Sources: Moon of Alabama; Traduction pour Le Grand Soir