29-03-2024 12:49 AM Jerusalem Timing

Sur les relations russo-iraniennes : des affinités, mais…

Sur les relations russo-iraniennes : des affinités, mais…

Par la voix d’un responsable iranien expert en politique russe

Un responsable iranien a révélé sous le couvert de l’anonymat pour le journal libanais al-Akhbar les dessous de la coopération entre l’Iran et la Russie concernant la crise syrienne en particulier. Cela n’a rien d’une stratégie commune, mais d’un croisement d’intérêts, comme dans toutes les alliances internationales, a-t-il résumé, avant de donner des détails importants sur plusieurs événements.

 

Le terrain avant tout

« Ce qui tranche les orientations politiques qui régissent les crises de la région est le terrain avant toute autre chose, a-t-il indiqué, indiquant se concerter régulièrement avec le célèbre général iranien de l’unité al-Quds des Gardiens de la Révolution, Qassem Suleimani, particulièrement actif dans plus d’un pays de la région.

L’un des objectifs américains : détruire le système politique en RII
Selon lui, la République islamique d’Iran est parfaitement consciente de la complexité extrême des circonstances que traversent la région et la prend en considération dans son attitude. Elle sait très bien que les Américains veulent à tout prix récolter les résultats de ces crises à leur avantage.

Il poursuit : «  nul besoin de mettre au clair le degré d’hostilité des USA à l’encontre de l’Iran et du Hezbollah. Mais d’après notre compréhension des choses ils ont deux objectifs : la révolution en Iran basée sur le pouvoir religieux (wilayat al-Fakih), dont ils veulent détruire le contenu, sans aucune considération pour la forme. Le second étant la puissance d’Israël ».


Négociations sur le nucléaire : les dossiers régionaux d’abord

S’agissant des négociations qui ont eu lieu sur le programme nucléaire iranien, le responsable iranien a révélé que les Américains se tournaient  tout le temps vers les dossiers de la région , disant sans cesse que le nucléaire n’était pas important , qu’il pouvait être réglé facilement, et qu’il fallait se concerter sur les questions régionales. »

 Selon lui, les centres de décision iraniens étaient persuadés que les Américains étaient pressés et s’efforçaient de réaliser la plus grande partie de leurs objectifs avant les élections américaines. « Alors que nous ne l’étions pas du tout», a-t-il signalé.

Relation Iran-Russie : aux antipodes sur Israël

Quant à la relation de la RII avec la Russie, que l’interlocuteur d’al-Akhbar est bine placé pour en parler, vu qu’il est la personnalité politique iranienne la plus experte en matière de politiques russes dans la région, il a affirmé : « nous ne disposons pas de stratégie commune à pleine dimension avec les Russes. Dans le sujet israélien par exemple, nous sommes aux antipodes. Je pense que Poutine voudrait obtenir quelques cartes de la région et il a plusieurs objectifs à réaliser : faire pression sur les USA pour réduire leurs pressions sur lui, lutter contre le terrorisme qui constitue une menace à la sécurité nationale russe, et réaliser la grandeur de la Russie »…

Toujours selon le responsable iranien, Moscou voudrait tirer avantage de l’exemple de la guerre froide au profit de la puissance de la Russie sans pour autant combattre les Etats-Unis.

L’équation iranienne instaurée : Syrie contre Israël

« Par exemple à la veille de l’attaque américaine qui se préparait contre la Syrie, lors de l’accusation contre le régime syrien d’avoir utilisé des armes chimique depuis deux ans, les Russes nous ont dit : nous étions avec vous jusque là, mais si les Américains entrent en guerre en Syrie, nous allons faire en sorte d’élever le coût de leur intervention, mais nous n’allons pas nous battre contre eux ».

Sur les coulisses de cet événement, il enchaine dans ses révélations: «les Américains se sont rétractés et ont renoncé à leur décision en raison de notre intervention auprès des Russes, lorsque nous leur avons dit la veille de l’attaque que les Américains allaient bombarder la Syrie, indépendamment de leurs allégations  qu’ils ne veulent pas viser Bachar al-Assad, ou les institutions de l’Etat syrien. Par le biais de canaux diplomatiques et sécuritaires, nous avons alors fait savoir que Tel Aviv fera l’objet de tirs avant même que les missiles américains ne s’abattent sur la Syrie et nous ne savons pas qui va le faire, mais il y a beaucoup de groupes indomptables dans la région. Les Russes étaient terrifiés et ont transmis cette atmosphère aux Américains affirmant que le bombardement américain en Syrie allait provoquer un conflit régional ».

Notre communication avec les Russes renforce notre impact

Quant à la relation de la RII avec Moscou, il a  expliqué : «  nous croyons que les affinités entre les Russes et nous sont à notre avantage, ainsi que les contradictions entre eux et les Américains… Nous devons tirer bénéfice de la Russie et lui accorder des opportunités et des cartes… mais il faut la surveiller constamment. Parce que lorsque ses intérêts coïncident avec ceux des Américains, il y aura une lacune. Nous pensons que notre communication avec les Russes renforce notre impact  sur eux".

Position russe du sort d’Assad : la perle iranienne du chapelet

Le responsable iranien s’est longuement attardé sur la réelle position russe du pouvoir syrien et du sort du président syrien Bachar al-Assad, à la lumière de l’expérience diplomatique avec des politiciens de ce pays : « certains cercles de décision russes pensent que le départ de Bachar al-Assad ne devrait pas causer de problèmes.

L’un d’entre eux nous a dit une fois qu’ils ne peuvent pas payer davantage le cout de sa préservation au pouvoir. Nous leur avons expliqué l’erreur de cette idée et leur avons dit que le président syrien est comme la perle d’un chapelet, si l’une d’entre elles tombe, tous les autres suivront. Au début, le chef de la diplomatie américaine John Kerry tentait d’attirer vers lui son homologue russe Serguei Lavrov pour parvenir un compromis sans Assad, mais tout en préservant le régime. Il lui a dit que Washington se chargera d’apaiser la Turquie, l’Arabie saoudite et le Qatar, à condition que la Russie fasse de même avec l’Iran. Lavrov qui était parfaitement conscient de l’obstination des Iraniens concernant le président Assad lui a dit si nous insistons sur son départ et qu’il veuille rester, nous allons le perdre comme allié. Ce à quoi Kerry a répondu en disant si nous nous mettons d’accord, Bachar va partir. Lavrov lui a répondu que les Iraniens ne permettront pas le départ d’Assad et vous avez fait preuve durant ces années que vous ne parvenez à aucun résultat en voulant confronter les Iraniens, et que l’Iran est toujours gagnant dans son conflit contre vous. Lavrov lui a dit aussi si nous acceptons avec vous le départ d’Assad, notre allié ne sera pas d’accord et en conséquence Bachar restera au pouvoir. Dans ce cas nous allons perdre nos deux alliés, iranien et syrien. Et comme nous n’avons pas confiance en vous, nous n’allons pas vous suivre dans cette affaire ».

Poutine : tout mais pas la guerre avec les USA

Selon le responsable iranien, le président russe a été opposé dès le début au renversement du président syrien.

«  Nous n’avons aucune estimation selon laquelle Poutine joue dans le cour des Américains. Il ne veut pas la guerre. Mais il veut restituer la grandeur de la Russie. Mais son entourage a des tendances plutôt étranges. Les sanctions imposées à la Russie sur fond de crise ukrainienne ont profondément nui à la classe gouvernante russe. Tous sont des hommes d’affaires et les sanctions leur portent atteinte. C’est pour cela qu’ils pensent qu’il faut parvenir à un accord avec les Américains. »

Mais l’homme politique iranien ne tarde pas à rectifier : « mais il semble toutefois que des évolutions ont eu lieu durant les dernières semaines. Les problèmes entre les Etats-Unis et la Russie sont innombrables et ne cessent d’augmenter. Par exemple concernant l’affaire de l’avion russe abattu au Sinaï, certains dans les cercles russes sont persuadés que c’est la CIA qui est impliqué dans ce crash. Mais nous avons l’impression que Poutine se comporte d’une façon différente du passé. Dans les questions régionales sur lesquelles nous nous sommes entendus, nous avons réalisé des progrès. Dans certains cas, ils savent très bien nos capacités et se mettent de notre côté, mais avec limite. Par exemple concernant le Yémen, au début, ils étaient très réservés, mais dès lors qu’ils ont senti que notre stratégie réalisait un succès, ils nous ont contactés et leur position politique est plus proche de la nôtre. Surtout depuis qu’ils sont entrés dans la guerre en Syrie, leurs positions politiques sont désormais plus lucides. Mais ceci ne les empêche pas de prendre en compte l’Arabie saoudite. Ils lui sont reconnaissants de les avoir aidés à retourner en Egypte après que Sadate les en avait expulsés ».

 

Et le responsable iranien de conclure : « Les Russes cherchent seulement leurs intérêts et rien d’autre ».

 

Traduit par notre site du journal al-Akhbar