20-04-2024 12:33 PM Jerusalem Timing

La corruption en Palestine : un système devenu autonome

La corruption en Palestine : un système devenu autonome

Selon une étude récente, pas moins de 81 % des Palestiniens vivant dans les Territoires palestiniens occupés croient que la corruption sévit dans les institutions de l’Autorité palestinienne.

Tariq Dana argumente que la corruption fait partie intégrante du corps politique palestinien et qu’elle est antérieure à l’instauration de l’Autorité palestinienne.

D’après son analyse, il faut saisir le problème à la racine, il ne suffit pas de l’aborder avec les mesures conventionnelles utilisées dans d’autres pays, mais dans le contexte d’une colonisation et d’une occupation qui se prolongent et compte tenu de la manière dont Israël exploite et renforce à la fois cette corruption.

Tariq Dana, conseiller politique à al-Shabaka, analyse le système et les acteurs impliqués, arguant que la corruption est un problème structural qui est doté de racines politiques anciennes et ne peut être combattu par l’adoption de codes de bonne conduite ni par d’autres solutions techniques.

Selon une étude récente, pas moins de 81 % des Palestiniens vivant dans les Territoires palestiniens occupés croient que la corruption sévit dans les institutions de l’Autorité palestinienne, perception renforcée par le récent rapport annuel de la Coalition palestinienne pour la responsabilité et l’intégrité - Palestinian Coalition for Accountability and Integrity (AMAN), la section palestinienne de Transparency International.

Une perception qui persiste en dépit des efforts tant vantés de l’ancien premier ministre Salam Fayyad pour renforcer l’État et extirper la corruption – et qui ne coïncide pas avec certains rapports internationaux suggérant une amélioration de la bonne gouvernance.

Tariq Dana argumente que la corruption fait partie intégrante du corps politique palestinien et qu’elle est antérieure à l’instauration de l’Autorité palestinienne. D’après son analyse, il faut saisir le problème à la racine, il ne suffit pas de l’aborder avec les mesures conventionnelles utilisées dans d’autres pays, spécialement dans le contexte d’une colonisation et d’une occupation qui se prolongent et vu la manière dont Israël exploite et renforce à la fois cette corruption.


Disséquer la corruption et le système clientéliste

La corruption au sein de l’Autorité palestinienne (AP) ne doit pas être perçue comme un simple problème de méfaits administratifs et financiers commis par des individus irresponsables dont la conduite est motivée par la cupidité et l’intérêt personnel. Les scandales régulièrement débattus par les Palestiniens – comme les détournements de fonds publics, l’appropriation illicite de ressources et le népotisme – ne sont que le résultat d’une corruption ancienne imbriquée dans la structure sous-jacente qui gouverne le système politique palestinien et ils sont enracinés dans l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP) bien avant le processus d’Oslo.

Ces dernières années les efforts consentis pour combattre la corruption ont été de nature largement « technique », visant par exemple à élaborer des codes de bonne conduite, à améliorer les procédures de recrutement et à développer des mesures préventives à l’encontre de violations spécifiques. Même si elles sont nécessaires, de telles mesures ne peuvent en aucun cas suffire si les causes politiques à la racine de la corruption restent ignorées. Il faut comprendre la nature de la corruption spécifique à l’AP pour pouvoir l’affronter efficacement.

Car la corruption de l’AP en Palestine est un système qui est devenu autonome et qui s’auto-alimente. Peut-être le facteur premier dans la reproduction et le maintien de la nature corrompue de l’entité politique palestinienne est-il le clientélisme.

En Palestine, le clientélisme s’enracine dans les valeurs sociales de la parenté et de la famille, qui à leur tour sont façonnées par les factions politiques. Ces liens sociaux et politiques fournissent à l’oligarchie au pouvoir un outil stratégique pour contrôler les électeurs et étendre le réseau de soutiens en redistribuant les ressources publiques afin d’acheter des loyautés politiques, ce qui en retour aide l’élite dirigeante à préserver le statu quo et à maintenir sa mainmise sur les avoirs politiques et économiques.

Le clientélisme contribue lui aussi au climat de corruption en favorisant un électorat politiquement loyal mais incompétent, tout en excluant des personnes efficaces sur une base arbitraire. Cela suscite donc une émulation entre clients qui rivalisent pour démontrer leur loyauté à l’oligarchie régnante. La corruption en sera d’autant plus renforcée puisque l’une des façons qu’ont les caciques de récompenser les clients loyaux est de fermer les yeux sur leurs méfaits financiers.

Historiquement, le clientélisme a caractérisé les relations internes entre l’exécutif de l’OLP et les institutions nationales et l’électorat politique (5). Le cercle des proches dirigeant l’OLP a systématiquement instrumentalisé les réseaux patrons-clients avec plusieurs objectifs : étendre son influence sur l’électorat politique, exclure d’autres forces politiques et appliquer son agenda politique sans opposition.

Par exemple, pendant les années ’80, la direction de l’OLP s’est servie du Fonds Soumoud (« constante fermeté ») [« The Steadfastness Aid Fund of the Jordanian-Palestinian Joint Committee », créé par le Sommet de la Ligue arabe à Bagdad en 1978] dans les Territoires palestiniens occupés (TPO) pour récompenser ses partisans et exclure les autres. Cette approche a encouragé manipulations et monopoles et introduit des pratiques de corruption et de duplication de projets de développement.

Elle a aussi contribué à étendre les réseaux clientélistes pour servir les projets politiques du Fatah et des dirigeants jordaniens. Alors que l’objectif déclaré du Fonds Soumoud était de soutenir les secteurs de l’éducation, de l’agriculture, de la santé et du logement, dans la réalité les principaux bénéficiaires ont été « les gros propriétaires fonciers de la Vallée du Jourdain, les industriels, le service civil jordanien (en Cisjordanie) ainsi que des catégories professionnelles qui ont reçu de généreux prêts au logement ».

Après les Accords d’Oslo, le régime patron-client a évidemment été légué à l’AP et a constitué l’épine dorsale de sa base institutionnelle. Au lieu d’implémenter un processus créant une institution fondée sur le mérite, le clientélisme est devenu un attribut caractéristique de la structure institutionnelle de l’AP et un puissant outil d’exclusion-inclusion. Il est devenu indissociable de style de gouvernance personnalisée et non responsable de feu le président de l’OLP Yasser Arafat et de la direction politique palestinienne.

Info-Palestine