25-04-2024 11:22 PM Jerusalem Timing

Al-Qods : ma famille face à l’expulsion de sa maison

Al-Qods : ma famille face à l’expulsion de sa maison

Les propriétés laissées par les Palestiniens qui ont fui ou ont été contraints de fuir en 1948 ont été qualifiées de « propriétés des absents ».

La maison de la famille Ghaith-Sub Laban, située dans la vieille ville de Jérusalem al-Qods occupée, est la cible des colons israéliens qui tentent d’expulser trois générations de personnes de leur foyer.

Dans la vieille ville de Jérusalem, à une minute à pied de la Mosquée al-Aqsa et du Mur des Lamentations, se trouve notre maison. Ma famille vit dans le cœur de la vieille ville de Jérusalem-Est occupée depuis plus de 60 ans. Mais depuis septembre 2014, les colons israéliens tentent de nous expulser suite à un ordre d’expulsion qu’ils ont obtenu de la Cour suprême israélienne.

Ma famille a loué sa maison dans la vieille ville de Jérusalem au gouvernement jordanien en 1953, à l’époque où la Jordanie contrôlait la Cisjordanie. Nora, ma mère, est née dans cette maison en 1956 et y a vécu toute sa vie.

Aujourd’hui, elle vit toujours dans cette maison avec mon père Mustafa, mon frère, mes deux sœurs et moi-même. L’épouse de mon frère y vit aussi, avec les deux petits-enfants de Nora, âgés de deux et neuf ans.

En 1953, le gouvernement jordanien a classé la maison comme étant « propriété de l’ennemi », ce qui suggère que la propriété était occupée par une famille juive avant 1948. Cependant, avant 1948, la maison était la propriété d’une famille palestinienne, mais a été louée à une famille juive, qui ne la possédait pas.

En 1950, Israël a institué une « loi sur la propriété des Absents » permettant à l’Etat naissant de confisquer les propriétés de Palestiniens qui avaient fui la guerre de 1948.

Après l’occupation et l’annexion de Jérusalem-Est en 1967, cette loi a également été appliquée à toutes les propriétés de Jérusalem occupée dont les propriétaires avaient fui en 1948. La maison de la famille Ghaith-Sub Laban (la nôtre) en faisait partie. Depuis le début des années 1970, elles sont gérées par le dépositaire général israélien de la propriété publique et des absents.

Les propriétés laissées par les Palestiniens qui ont fui ou ont été contraints de fuir en 1948 ont été qualifiées de « propriétés des absents ». Alors que les Palestiniens se voient refuser la possibilité de récupérer leurs propriétés, les Juifs israéliens sont autorisés à « récupérer » les biens qu’ils auraient possédés avant 1948.

Les tribunaux israéliens ont délivré des dizaines d’ordres d’expulsion contre des familles palestiniennes en raison de ces réclamations.

La famille Laban Ghaith-Sub n’a pas eu un traitement différent : depuis les années 1970, les autorités israéliennes harcèlent la famille et la met sous pression pour qu’elle renonce à sa propriété. Tout d’abord, ils se sont vu refuser un permis pour réaliser des travaux nécessaires d’entretien de la maison, qui avaient été exigés en premier lieu par les autorités israéliennes. La famille a été forcée de déménager temporairement dans une autre maison, étant donné que l’état de la maison constituait un danger.

Ensuite, les colons israéliens ont pris tous les autres appartements du bâtiment et expulsé les voisins palestiniens restants. La famille a même été presque dans l’incapacité d’accéder physiquement à la maison, lorsque les colons qui avaient pris la maison d’à côté ont élargi leur cuisine, bloquant l’entrée principale.

Après 25 ans de batailles juridiques, la famille a finalement reçu le permis pour réaliser les travaux d’entretien nécessaires, dont la construction d’une nouvelle entrée.
La famille vivait dans une paix relative jusqu’en 2010, lorsque le dépositaire général israélien a accordé la propriété de la maison à des colons affiliés à une organisation de colons de droite appelée Ateret Cohanim.

Ateret Cohanim a pour objectif déclaré de créer une majorité juive israélienne à Jérusalem-Est, et en particulier dans le quartier musulman de la vieille ville. Immédiatement après avoir acquis la propriété, les colons ont saisi la Cour suprême israélienne pour demander l’expulsion de la famille.

Les colons ont fondé leur demande sur l’allégation selon laquelle ma famille a déserté la propriété il y a longtemps et n’y a jamais vécu. Et malgré le fait que la famille détient un bail d’habitation protégé et vit dans la maison depuis 1953, ce qui est vérifiable visuellement, la Cour suprême israélienne a statué en faveur des colons et a ordonné l’expulsion de la famille.

Depuis que le tribunal a émis l’ordre d’expulsion en septembre 2014, les colons israéliens ont tenté eux-mêmes d’expulser la famille à trois reprises. La première tentative est survenue en décembre 2014, lorsque les colons ont essayé d’occuper de force une remise située en dessous de l’appartement familial.

La deuxième a eu lieu en février 2015 : les colons sont arrivés à la porte du logement de la famille pour lui demander de quitter la propriété. Le petit-fils de Nora de neuf ans était seul à la maison ce jour-là. Il avait manqué l’école pour cause de maladie, mais il n’a pas été en reste ce jour-là. Ses hurlements et ses cris ont alerté les voisins qui ont alerté les militants et les journalistes.

Les colons ont été contraints de reculer.


 
               Le petit-fils de Nora de neuf ans a dû repousser les colons seul

La troisième tentative a eu lieu le 16 mars. Cette fois-ci, les colons étaient escortés par 20 soldats et policiers israéliens. Encore une fois, la famille a réussi à rassembler des dizaines de journalistes et de militants. Cependant, cette fois-ci, les colons ont insisté.

La police allait enfoncer l’entrée principale pour expulser la famille par la force avant que survienne un appel de l’avocat de la famille, indiquant qu’il avait obtenu une injonction temporaire d’une journée, ce qui a mis fin à l’expulsion.

Ce jour-là, la famille s’était préparée au pire. Nora avait mis quelques-uns des souvenirs et des biens de sa famille dans un sac : sa photo de mariage, des photos de sa fille lors de la remise de son diplôme universitaire, des photos de ses petits-fils et de nombreuses autres vieilles photos, contenant des années de souvenirs.

Le petit-fils de Nora a mis dans un sac certains de ses jouets et objets de collection préférés. La famille était horrifiée à l’idée de perdre sa maison et de devenir sans-abri.
Ma mère, hystérique, a commencé à pleurer lorsque la police a apporté un bélier pour enfoncer notre porte. La perspective de perdre le foyer de son enfance, où elle est née et a grandi, était tout simplement trop difficile à encaisser.

Personne ne devrait faire face à une situation aussi injuste. Il s’agit d’un déplacement forcé basé sur des lois et des pratiques discriminatoires qui violent le droit international ainsi que tous les droits humains et les lois et principes humanitaires.
La famille est toujours face à la menace d’une expulsion. Actuellement, elle est en attente d’un appel prévu en mai, mais s’attend à ce que les colons tentent à nouveau de les expulser.

Nous pourrions être expulsés à tout moment. Les colons ont juré qu’ils nous auront coûte que coûte.

Ma famille, la famille Ghaith-Sub Laban, a lancé une campagne en ligne sur les médias sociaux, dont une page Facebook « Stop Nora’s Eviction » ainsi qu’un hashtag #StopNorasEviction sur Twitter. Nous avons également lancé une pétition en ligne sur Avaaz, qui a rassemblé plus de 11 000 signatures dans le monde entier.


                 Les effets personnels à valeur sentimentale de la famille 

En outre, la famille a fait appel à plusieurs rapporteurs spéciaux des Nations Unies, leur demandant de prendre des mesures, et a réussi à attirer l’attention de plusieurs missions diplomatiques à Jérusalem. Plusieurs représentants du bureau de l’Union européenne à Jérusalem, du consulat britannique, du consulat français, du consulat espagnol et du consulat italien ont rendu visite à la famille et ont promis d’agir.

Un groupe d’ONG en Palestine et à l’étranger a récemment publié une déclaration conjointe condamnant les tentatives d’expulsion la famille et les politiques israéliennes discriminatoires de déplacement forcé, qui constituent une violation des obligations d’Israël en vertu du droit international.

Source: Info-Palestine