25-04-2024 11:31 PM Jerusalem Timing

La France, faucon des négociations internationales sur le nucléaire iranien

La France, faucon des négociations internationales sur le nucléaire iranien

"Le problème dans cette négociation, c’est qu’on est véritablement sur le fil du rasoir et qu’il y a un nombre important de gens qui veulent tout faire pour saboter un accord"..

Dans les négociations sur le nucléaire iranien qui reprennent ces jours prochains, où entrent en jeu des considérations politiques, géostratégiques mais aussi personnelles, la France joue le rôle de faucon, jusqu'à irriter ses alliés, mais ne devrait pas aller jusqu'à bloquer un accord, selon analystes et diplomates.
   
La ligne dure française dans ce dossier a été officialisée par le président de droite Nicolas Sarkozy après son élection en 2007. Puis poursuivie et assumée par son successeur socialiste François Hollande depuis 2012.
   
"Dans cette affaire, la France a fait le chemin inverse des Etats-Unis, qui ont changé de stratégie avec l'arrivée de Barack Obama" et sa volonté de parvenir à un accord historique avec Téhéran sur le dossier nucléaire, résume Bernard Hourcade, spécialiste de l'Iran au Centre national de la recherche scientifique (CNRS).
   
Plusieurs raisons expliquent la fermeté française sur le programme nucléaire de l'Iran, soupçonné par les Occidentaux d'être à vocation militaire, et qui empoisonne les relations internationales depuis plus d'une décennie.
   
Raisons historiques et politiques: les diplomates français qui ont suivi et négocié le dossier depuis le début sont des personnalités classées comme "néoconservatrices", aux positions particulièrement fermes sur l'Iran.
   
Et l'actuel chef de la diplomatie, Laurent Fabius, fut Premier ministre entre 1984 et 1986, à l'époque la pire des relations entre Paris et Téhéran. Attentats en France, prises d'otages français au Liban attribuées au Hezbollah  allié de Téhéran, contentieux sur le contrat nucléaire Eurodif, soutien de la France à l'Irak alors en guerre contre l'Iran... "Fabius a gardé une impression désastreuse des Iraniens et ne leur fait absolument pas confiance", se souvient un diplomate.
   
Mais selon M. Hourcade, l'élément essentiel dans cette stratégie française, "c'est que Paris a clairement fait le choix des monarchies pétrolières du Golfe et de la stabilité conservatrice" qu'elles représentent face à un Iran dont la France n'a de cesse de rappeler "le rôle déstabilisateur" en Syrie, au Liban ou en Irak.
   
 
Le psychodrame de Genève 2013

S'ajoutent d'autres raisons comme la volonté française d'apparaître, selon un expert occidental, comme le "gardien du temple de la non-prolifération" nucléaire.
   
C'est en arguant de son expertise - reconnue - sur ces questions que Paris réclame un accord "solide" avec l'Iran... et soupçonne parfois son meilleur allié américain d'être prêt à trop de concessions pour arracher un compromis historique. Lequel allié, en retour, surveille son partenaire français comme le lait sur le feu pour éviter, dans la dernière ligne droite des négociations, une réédition du "psychodrame" de Genève en novembre 2013.
 
 A l'époque, Paris s'opposa in extremis à la première mouture d'un accord provisoire concocté entre Washington et Téhéran. Un texte amélioré avait été signé 15 jours plus tard.
   
Aujourd'hui, alors que l'épilogue se rapproche et que la tension monte chez des négociateurs soumis à forte pression, Paris a-t-il pour autant la capacité ou la volonté de bloquer un accord ?
   
"Les Français ne prendront pas le risque de faire capoter la négociation", estime l'ancien diplomate François Nicoullaud, en poste à Téhéran dans les années 2000 et spécialiste des questions de non-prolifération.
   
"Sur les lignes générales, les grandes puissances (Etats-Unis, France, Grande-Bretagne, Chine, Russie et Allemagne) sont d'accord. Après, c'est une question de curseur, que Paris cherche à pousser le plus loin possible", sur le nombre de centrifugeuses accordé à l'Iran, sur la durée de l'accord...
   
Une source proche du dossier qui n'a jamais caché son scepticisme et parlait volontiers de "mettre l'Iran à genoux" économiquement, juge aujourd'hui que "ca peut marcher s'il y a une volonté politique", qu'"on a fait du chemin" et qu'"un accord est faisable".
   
"Le problème dans cette négociation, c'est qu'on est véritablement sur le fil du rasoir et qu'il y a un nombre important de gens qui veulent tout faire pour saboter un accord", rappelle Bernard Hourcade, citant les conservateurs iraniens, les sénateurs américains, le Premier ministre israélien, les pays du Golfe... "A quelques symboles près, pour trois centrifugeuses de plus ou de moins, ca peut échouer", s'inquiète-t-il.
   
"A la fin des fins, ça se fera autour des deux grands négociateurs, Amérique et Iran. Tout va se jouer sur leur capacité à se jeter à l'eau, et c'est un pari fantastique et fascinant", observe un diplomate européen.