20-04-2024 02:21 PM Jerusalem Timing

Lettre des Républicains à l’Iran: pour faire capoter l’accord nucléaire

Lettre des Républicains à l’Iran: pour faire capoter l’accord nucléaire

La Maison Blanche dénonce un effort visant à affaiblir la capacité du président. Téhéran ne lui accorde aucune valeur."Le monde ne se résume pas à l’Amérique!"

La quasi-totalité des sénateurs républicains, qui se veulent très sceptiques quant aux négociations sur le nucléaire iranien, ont informé lundi Téhéran que tout accord avec Barack Obama sur le nucléaire ne deviendrait permanent qu'avec l'aval du Congrès.
   
Dans une lettre ouverte adressée aux "dirigeants de la République islamique d'Iran", à trois semaines de l'échéance théorique pour un règlement politique, 47 des 54 sénateurs républicains ont de nouveau contourné le président américain pour dire aux Iraniens que le Congrès disposait, seul, du pouvoir de lever définitivement les sanctions contre l'Iran, adoptées sous la forme de lois ces dernières années.
   
"Il a été porté à notre attention, en observant vos négociations nucléaires avec notre gouvernement, qu'il était possible que vous ne compreniez pas totalement notre système constitutionnel", écrivent les élus.
   
Les républicains, et plusieurs démocrates, sont ouvertement hostiles à l'accord qui se dessine entre le groupe 5+1 (Chine, Etats-Unis, France, Royaume-Uni, Russie et l'Allemagne) et l'Iran.

Pour influencer, voire faire échouer, les négociations, ils ont placé la barre très haut, certains demandant le démantèlement total de l'infrastructure d'enrichissement, ou que tout règlement soit élargi à des domaines comme le "soutien au terrorisme".
   
Ils soulignent une évidence constitutionnelle : si Barack Obama a le pouvoir, par décret, de suspendre les sanctions américaines contre l'Iran, son successeur pourra les rétablir d'un "simple trait de plume", a fortiori si un républicain est élu.
   
Pour annuler de façon permanente les sanctions américaines, le Congrès devra voter, martèlent-ils. Et d'insister: "par exemple, le président Obama quittera ses fonctions en janvier 2017, alors que la plupart d'entre nous resterons élus bien au-delà, peut-être pour des décennies".


Les négociations doivent reprendre le 15 mars, après une session à Montreux (Suisse) la semaine dernière.   
 

Deux lois en projet

Une telle lettre à un dirigeant étranger est exceptionnelle - "Pour un étranger, Washington est pleine de surprises...", a commenté l'ambassadeur de France aux Etats-Unis, Gérard Araud, sur Twitter.
   
Elle illustre les tensions croissantes entre l'administration Obama et les républicains, qui dominent la totalité du Congrès depuis janvier.
   
La semaine dernière, défiant la Maison Blanche, ils ont invité le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu à prononcer un discours devant les deux chambres du Congrès, entièrement consacré à l'Iran et boudé par des dizaines d'élus démocrates.
   
"Nous ne connaissons pas les termes finaux de l'accord, mais nous savons que la conseillère du président pour la sécurité nationale, Susan Rice, a déjà concédé que l'Iran aurait une robuste capacité d'enrichissement d'uranium", a expliqué lundi le sénateur Tom Cotton, à l'initiative de la lettre, sur Fox News. Le 2 mars, Susan Rice avait qualifié la perspective d'un abandon des capacités d'enrichissement iraniennes de "ni réaliste, ni faisable".
   
Tom Cotton a aussi évoqué la rumeur d'une durée de 10 ans pour l'accord.
"Ces deux points à eux seuls rendent cet accord inacceptable, dangereux pour les Etats-Unis et pour le monde", a pr6tendu Tom Cotton.
 
 Jusqu'à présent, la Maison Blanche a réussi à contenir le Congrès.
 Un projet de sanctions préventives, qui entreraient automatiquement en vigueur à partir de juillet en cas d'échec des négociations, est en suspens au moins jusqu'au 24 mars, une date qui coïncide plus ou moins avec l'échéance fixée par les négociateurs pour un règlement politique (fin mars, avec finalisation technique avant le 30 juin).
   
Mais de plus en plus d'élus des deux partis apportent leur soutien à une autre proposition de loi, initiée par le président de la commission des Affaires étrangères Bob Corker, qui obligerait Barack Obama à soumettre au Congrès tout accord, et donnerait 60 jours aux parlementaires pour éventuellement s'y opposer. L'examen de cette mesure doit commencer prochainement.
   

La Maison Blanche dénonce

La réponse de la Maison Blanche n'a pas tardé à venir, et elle a vivement dénoncé l'attitude des sénateurs républicains.

Cette lettre ouverte est "la poursuite d'un effort partisan visant à affaiblir la capacité du président à mener la politique étrangère" des Etats-Unis, a déclaré Josh Earnest, porte-parole de l'exécutif américain.
   
"Cela fait un moment que les républicains (...) indiquent clairement que leur objectif est de saper les négociations", a souligné le porte-parole de M. Obama.

"Cela soulève de réelles questions sur l'objectif de ceux qui ont signé cette lettre", a ajouté M. Earnest, déplorant que "certains républicains essayent d'établir une communication directe avec les partisans d'une ligne dure en Iran".
   
Rappelant que des négociations en cours n'étaient "pas seulement entre les Etats-Unis et l'Iran" mais entre l'Iran et le groupe 5+1 (Chine, Etats-Unis, France, Royaume-Uni, Russie et Allemagne), M. Earnest a appelé les républicains, majoritaires au Congrès depuis janvier, à faire de véritables propositions plutôt que d'essayer d'affaiblir la position du président.

 

Aucune valeur pour Téhéran
   
Quant à Téhéran, elle n’a pas accordé aucune valeur à la lettre des sénateurs americains.

"Nous estimons que cette lettre est sans aucune valeur juridique et constitue de la propagande", a déclaré le ministre iranien des Affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif , selon les médias iraniens.

"Les sénateurs doivent savoir que selon le droit international, le Congrès ne pourra pas changer le contenu de l'accord et toute action du Congrès visant à empêcher l'application d'un éventuel accord sera une violation des engagements internationaux du gouvernement" américain, a ajouté M. Zarif.
   
"Le monde ne se résume pas à l'Amérique. Les relations internationales se régissent selon les lois internationales, les engagements et les devoirs des gouvernements (qui en découlent, ndlr) et non selon les lois américaines", a-t-il encore souligné.
   

Avec AFP