29-04-2024 06:38 AM Jerusalem Timing

Au Liban, la menace jihadiste nourrit l’anxiété, parfois l’humour

Au Liban, la menace jihadiste nourrit l’anxiété, parfois l’humour

Cette inquiétude s’est accentuée avec la décapitation de deux soldats libanais enlevés par les extrémistes radicaux à la frontière syrienne en août.

Les menaces que fait peser le groupe Etat islamique (EI) ont créé un climat d'anxiété au Liban que certains essaient de conjurer par l'humour noir en ridiculisant les jihadistes.
 "Alors, sont-ils (les jihadistes) vraiment aux portes de Beyrouth?", demandent certains. "Est-ce que tes bagages sont prêts pour le départ?", plaisantent d'autres.
   
Même formulées sur un ton léger, de telles questions témoignent de la crainte de nombreux Libanais de voir leur pays devenir la prochaine cible de l'EI après la Syrie et l'Irak.
   
Cette inquiétude s'est accentuée avec la décapitation de deux soldats libanais enlevés par les extrémistes radicaux à la frontière syrienne en août.

L'EI a ensuite revendiqué leur exécution, photos et vidéos à l'appui, provoquant une vague d'indignation au Liban.
"Nous sommes très inquiets, j'ai peur pour mes enfants", témoigne Berna Nehmeh, une Libanaise âgée de 65 ans. "Tous les jours nous écoutons les informations: un jour l'EI est ici, le lendemain il est là".
"Je fais des cauchemars de massacres. Je vérifie que la porte d'entrée est fermée cent fois avant d'aller dormir", déclare une autre Libanaise sous couvert d'anonymat.
   
De tels comportements ne surprennent pas le psychologue Fadi Yazigi. Car ils illustrent le climat d'anxiété qui s'est installé progressivement dans le pays en raison de la succession de périodes troublées, en particulier depuis la guerre civile de 1975-1990.
 
De ce fait, nombreux sont les Libanais à souffrir de "troubles nerveux", ressentant notamment "une crainte  qu'ils ne peuvent pas contrôler, même si celle-ci est injustifiée et qu'ils ne peuvent pas agir sur ses causes", explique-t-il.
"Les civils qui voient les images de soldats décapités se disent: +si cela peut arriver à l'armée, alors le danger qui nous menace est probablement beaucoup plus grand+", explique-t-il.
   
 

Méfiance envers les Syriens

Les craintes liées à l'EI suscitent une méfiance croissante envers les réfugiés syriens, qui sont plus de 1,1 million au Liban. Certains ont été arrêtés, notamment à Jdeidé, en banlieue de Beyrouth.

"La municipalité craint la présence de cellules (terroristes) dormantes", a expliqué Mansour Fadel, un responsable de cette commune. Les autorités locales "sont en train d'enregistrer tous les noms des Syriens, prennent leurs empreintes digitales et leurs demandent de nous tenir informés de leurs mouvements".
   
Lui-même estime que seule une petite minorité des Syriens au Liban est sympathisante de la cause jihadiste, mais toute la communauté est devenue suspecte.
   
A Tripoli, dans le nord du pays, des graffiti pro-EI sont apparus sur les murs des églises. "L'Etat islamique arrive", proclame l'un d'eux. "Les chrétiens doivent s'en aller", menace un autre.
   
La panique a été encore avivée par la diffusion de messages SMS, provenant prétendument de l'armée libanaise, et pressant notamment les habitants de se méfier des réfugiés syriens.
L'armée a dû démentir faire avoir envoyé de tels messages et des informations de médias faisant état d'une cellule de l'EI dans la ville de Baskinta, dans le centre du pays. Mais les craintes demeurent.
A Baskinta, "tout le monde s'est précipité pour acheter des armes afin de se défendre", raconte Charbel Karam, un habitant de 33 ans.
   
 

Le calife tourné en dérision

Dans ce contexte, certains choisissent la satire contre l'EI car "rire des jihadistes atténue la panique que ressentent les gens" et "réduit leur pouvoir", explique à l'AFP Charbel Khalil.
   
Cet auteur et réalisateur d'un show télévisé a mis en scène dans un sketch un homme voulant acheter un soutien-gorge pour sa vache. Se moquant ainsi d'une prétendue règle religieuse édictée par l'EI ordonnant de couvrir les mamelles des vaches.
   
L'EI et son "calife" Abou Bakr al-Baghdadi sont aussi tournés en dérision par le groupe "Le glorieux défunt" pour la plus grande joie du petit théâtre Metro al-Madina, dans l'ouest de Beyrouth.
   
Avec une sincérité feinte et un sarcasme aiguisé, les membres de l'ensemble vocal chantent les "louanges" du "calife". " Maître, toi qui guide les fidèles d'Allah jusqu'au dernier gouffre...!", scandent-ils.