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Geagea rattrapé par son passé.. son répertoire noir traqué par le vote blanc

Geagea rattrapé par son passé.. son répertoire noir traqué par le vote blanc

La présidentielle libanaise se trouve dans une situation inédite.

Pourtant, le chef des Forces Libanaises n’a pas lésiné sur les moyens, pour faire oublier son passé particulièrement noir durant la guerre civile.

Sa dernière tentative aura été sans aucun doute celle de la reconstitution dans sa demeure à Mearab d’une cellule d’incarcération similaire à celle dans laquelle il a été séquestré pendant 11 ans. Il l’a présenté aux medias comme s’il avait été injustement condamné, alors qu’il avait été inculpé dans l’attaque aux obus en 1994 contre l’église de la délivrance, laquelle aurait dû lui permettre d’en imputer la responsabilité aux forces syriennes, pour justifier un relancement de la guerre civile.

Mais ce n’est certes pas cet épisode de son passé qui l’a rattrapé, ce mercredi, durant la séance de l’élection du président de la république, mais les précédents. Encore plus sanguinaires.

Faisant partie des princes de la guerre civile libanaise, ceux-là mêmes qui ont expérimenté les horreurs des combats fratricides puis se sont lancés dans la sphère politique une fois sa page tournée, il s’est toutefois distingué d’eux tous en ayant commis l’irréparable.

Karamé, le Premier minisrte banni

C’est lui qui a commandité l’assassinat de l’ancien Premier ministre Rachid Karamé, en 1987, tué dans l’explosion de son siège de l’hélicoptère qui le transportait.

Réprimandé pour sa position conciliante avec la présence syrienne au Liban, pour son refus catégorique de toute mesure entrainant la division du Liban, son arrêt de mort avait été affichée sur une pancarte signée des Forces Libanaise, se souvient un ami tripolitain de la victime, Tawfic sultane, pour une télévision libanaise.
Durant la séance de ce mercredi, un des bulletins de vote avait été consacré à son nom. Premier rattrapage !


Des assassinats de familles

Pis encore. Geagea en voulait même à ses concurrents, ses coreligionnaires, des maronites de pères en fils, et dont il a aussi commandité l’assassinat, en famille. Ce fut le cas de deux grandes familles politiques.

La famille de Dani Chamoune, fils de Camille Chamoune, ancien président de la république et leader du parti des Nationalistes libéraux.
Il a été tué, ainsi que sa femme et ses deux petits enfants le 22 octobre 1990, quelques jours après l’entrée de l’armée syrienne dans les quartiers chrétiens à l’est de Beyrouth.

A cette époque, le chef du Parti progressiste Walid Joumblatt avait immédiatement accusé Geagea. Aujourd’hui, lui et son bloc parlementaire font partie de ceux qui ont refusé de lui accorder leurs voix.

Alors que le frère de la victime, Dory, lequel a hérité la direction du parti a trouvé bon de la lui accorder.

«  Il a été aveuglé par sa haine pour les Syriens, ce qui l’a poussé à refuser la réalité », assure la fille de la victime, Treissy, dans un entretien avec la télévision libanaise du Courant Patriotique Libre, OTV, en octobre 2012.
Treissy est persuadée que c’est bien Geagea qui a tué son père. Elle tient cette conviction de l’aveu de l’un des membres des FL, qui devait faire partie des 8 assassins de son père, qui a refusé d’exécuter les ordres et quitter les rangs des FL.

D’autant plus que Dany opérait un certain changement dans sa politique, toujours selon Treissy.

Version israélienne

Curieusement, lors de cet assassinat, Israël a eu son mot à dire : un communiqué de son ministère de la diplomatie a tenu à accuser l’armée syrienne, selon le journal annahar, datant du 22 octobre 1990.
 

Durant la séance de ce mercredi 23 avril 2014, l’un des bulletins de vote portait le nom de Tarek, l’un des deux fils de Dany exécutés avec lui. Treissi était également présente devant le siège du Parlement : «  Pas question de laisser élire Geagea au passé aussi sanguinaire et qui est prêt à tout pour accéder au pouvoir. Il constitue une menace pour l’avenir du Liban », a-t-elle répété pour toutes les télévisions locales.


Les Frangiyé: les premiers

Douze années années plus tôt, en juin 1978, c’est également Geagea, 24 ans à l'époque qui était derrière un autre massacre beaucoup plus sanguinaire. Ses victimes étaient alors le leader du parti des Maradas, Tony Frangiyé, -également fils d’un ancien président libanais Sleïmane Frangié-, son épouse, sa fille et quelques 29 membres de son parti.

En principe, Geagea aurait dû faire partie des exécuteurs du massacre, mais en s’y rendant, il a été blessé a la main et a dû confier la mission à son assistant. Il n’en demeure pas moins son planificateur. Il venait tout juste d'être désigné pour diriger les forces armées des Kataëb dans le nord libanais, fief des Frangiyé, et plus précisément dans  la localité d’Ehden.  

Pendant longtemps, Geagea n’a pas caché son implication.
En 1985, dans un entretien avec l’édition arabe et international du quotidien annahar,  rapporté par le site d’information al-Ahed , il avait refusé de qualifier ce qui s’était passé à Ehden d’incident.

«  L’évènement est quelque chose de passager. Ce qui s’est passé à Ehden ne l’était pas. C’est une opération sécuritaire dictée par les circonstances et par la politique exercée par les Frangiyé. J’espère que tout le monde le saura.... ce n’est pas une question de conflit entre deux tribus. Il y a va de l’avenir des libertés politiques non seulement au nord mais dans toutes les régions », avait-il dit.

Ayant approuvé que cette opération était plus que nécessaire, il avait alors indiqué que son but était de prouver aux Frangiyé que le nord ne leur appartient pas et avait également menacé que d’autres opérations pourraient avoir lieu.  
 
Le push d'Israël


Il s’avère que dans ce crime aussi, Israël y est pour quelque chose.
C’est le journaliste français Richard de Labévière qui l’assure dans son ouvrage « La tuerie Ehden ». Tel Aviv ne l’avait pas seulement commandité , mais avait désigné Geagea pour son exécution en le conseillant à Bachir Gemayyel qui dirigeait la branche armée des Phalanges.

L’aversion d’Israël à l’encontre des Frangiyé n’est un secret pour personne, surtout que cette famille politique est connue pour ses liens proches avec la Syrie et les Assad en particulier et surtout pour sa politique panarabe.

Sur l’un des bulletins de vote déposés dans les urnes du Parlement libanais figure le nom de Jihane Tony Frangiyé, la petite fille de Tony qui a péri elle aussi dans le massacre. Elle avait à peine les deux ans et demi.
Son frère Sleïmane qui avait alors 13 ans aurait dû lui aussi périr avec elle. La volonté divine a voulu autre chose. Il avait été caché dans un coin qui a pu échapper aux yeux des criminels.

Député, il a fait partie de ceux qui ont déposé un bulletin blanc dans les urnes.

Il faut dire qu'en ce mercredi 23 avril 2014, c’est le vote blanc qui l’a emporté.



Vote blanc contre répertoire noir

Face à la campagne médiatique que Geagea  avait menée, pour s’ériger en victime et s’innocenter de ses crimes, une contre campagne s’imposait.  

52 votes blancs, auxquels s’ajoutent les 6 votes annulés portant les noms de quelques-unes de ses victimes ont  traqué Geagea. Fait sans précédent dans l'histoire politique libanaise.


On serait tenté de croire que Geagea va se rétracter en constatant ce dénigrement. C’est méconnaitre l’homme. A peine le premier tour est-il clos, il s’est déclaré partant pour le second qui devrait se tenir le 25 mai prochain. Par moments, il s'excuse et réitère ses excuses, et s'estime pardonné pour autant.

Il n'en a cure que les proches de ses victimes ne lui aient pas pardonné.

Dans son expertise psychologique, se basant entre autre sur ses origines modestes,  le Mossad israélien l’avait diagnostiqué comme étant prêt à tout pour accéder au pouvoir. Raison pour laquelle il avait été choisi pour le  massacre d’Ehden, explique Labévière.

Les preuves depuis ne manquent pas.