28-03-2024 04:26 PM Jerusalem Timing

Est de l’Ukraine: la religion aussi sépare pro-russes et pro-ukrainiens

Est de l’Ukraine: la religion aussi sépare pro-russes et pro-ukrainiens

Les pro-ukrainiens estiment qu’ils ne peuvent pas compter sur les Européens et les Etats-Unis. "L’avenir de notre pays dépend de nous" disent-ils.




A Donetsk, dans l'Est de l'Ukraine, la fracture entre pro-russes et pro-Ukraine passe aussi par la religion, plusieurs églises ayant pris ouvertement partie contre les séparatistes pro-russes, contrairement à l'église orthodoxe rattachée au patriarcat de Moscou.
   
"Nous devons dire merci à Poutine qui nous a aidé à comprendre que nous étions Ukrainiens. L'agression contre l'Ukraine nous a aidés à renforcer notre identité", affirme le père Tikhon, 43 ans, prêtre de l'église gréco-catholique.
   
Par "agression contre l'Ukraine", le père Tikhon entend la prise de bâtiments publics à Donetsk et dans la région par des militants pro-russes, l'apparition d'hommes armés et la proclamation d'une République de Donetsk qui ne reconnaît pas l'autorité de Kiev.
   
La chapelle du père Tikhon est modeste: deux pièces au rez-de-chaussée d'un immeuble de bureau à Donetsk, dans lesquelles il partageait lundi la paska, le traditionnel gâteau de Pâques, avec quelques paroissiens à l'issue de l'office.
   
Le père Tikhon a participé la semaine dernière à une manifestation pour l'unité de l'Ukraine et contre le séparatisme qui a rassemblé quelque 2.000 personnes dans cette ville d'un million d'habitants.
   
"Malheureusement, il n'y avait pas de représentant de l'église orthodoxe du patriarcat de Moscou à cette manifestation", regrette le père Tikhon.
   
Les orthodoxes en Ukraine se rattachent au patriarcat de Moscou, numériquement le plus important dans le pays, ou au patriarcat de Kiev, créé en 1992 après la chute de l'URSS et l'indépendance de l'Ukraine.
 

prière commune


Dans une petite tente transformée en chapelle et dressée sur une petite place non loin du centre ville, le père Serguiï, de l'église orthodoxe du patriarcat de Kiev, prie pour l'Ukraine.
   
"Depuis cinquante jours, des représentants de diverses confessions viennent ici prier pour l'Ukraine, pour qu'il n'y ait pas la guerre", indique-t-il en soulignant tout de suite: "Je soutiens l'intégrité territoriale de l'Ukraine".
   
"Nous sommes contre le séparatisme. Satan sépare, et Dieu unit", renchérit le pasteur protestant Serguiï, qui participe à ces prières en commun.
   
A côté de la tente, une grande croix de bois côtoie un drapeau ukrainien.
   
Des orthodoxes, des gréco-catholiques, des catholiques romains et des protestants se retrouvent sous cette tente pour prier pour l'Ukraine, mais là aussi en l'absence de tout représentant du patriarcat de Moscou.
   
Pour le père Gueorgui Gouliaiev, chargé de la presse à l'évêché de Donetsk du patriarcat de Moscou, la raison en est religieuse et pas politique.
   
"Nous avons appelé au calme, nous prions pour la paix et pour un compromis dans cette situation compliquée. Mais nous ne participons pas à ces prières en commun et à ces manifestations parce que nos pratiques religieuses sont différentes", indique-t-il.
   
"Nous avons une position équilibrée", poursuit-il en soulignant que le patriarcat de Moscou, qui a des paroisses aussi bien dans l'Ouest de l'Ukraine que dans l'Est russophone, "ne peut défendre les intérêts d'une seule région".
   
"Beaucoup de prêtres du patriarcat de Moscou ont ici une position ouvertement pro-russe", assure de son côté le père Tikhon, de l'église gréco-catholique, qui compte quelque 15.000 fidèles dans la région.
   
Les paroissiens du père Tikhon sont pour l'essentiel les descendants d'Ukrainiens de l'Ouest du pays déportés par Staline au début des années 1950 dans la région de Donetsk et restés fidèles à leur foi malgré la liquidation de l'église gréco-catholique en 1946 et son interdiction jusqu'à la chute de l'URSS.
   
Et si la région de Donetsk se sépare de l'Ukraine et devient une partie de la Russie?
   
"Si à Dieu ne plaise une telle chose se produit, nous défendrons notre pays. Je connais de nombreuses personnes qui sont prêtes à défendre leur patrie, l'Ukraine, les armes à la main. Un grand nombre de mes paroissiens et de membres de ma famille me disent qu'ils commenceront une guerre de partisans", déclare le père Tikhon.  
   
"On ne peut pas compter sur les Européens et les Etats-Unis. L'avenir de notre pays dépend de nous. C'est à nous de défendre notre pays", ajoute-t-il en rappelant qu'un mouvement nationaliste armé a lutté en Ukraine jusqu'au début des années 1950 contre le pouvoir soviétique.