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Le renseignement américain, très onéreux et pas fiable

Le renseignement américain, très onéreux et pas fiable

Il compte dans son répertoire ces dernières années un nombre important de déboires.

« L'agent de la CIA à l'étranger doit enfreindre les lois du pays de séjour. Il est de son devoir de mentir, d'escroquer et de voler ».

C'est ainsi que la revue américaine Politico décrit dans son numéro du 12 mars dernier le sens du travail du renseignement US tel qu'il est perçu aux yeux des citoyens des Etats-Unis. Les scandales qui ont secoué le Sénat en avril ont prouvé que le renseignement américain violait les lois également à l'intérieur de son pays, aux frais de la princesse en plus. Rien que depuis 2001, le gouvernement des Etats-Unis a débloqué pour ses 16 services d'espionnage plus de 500 milliards de dollars. Cet investissement est-il efficace ?

Les résultats des dernières opérations des services secrets des Etats-Unis en Ukraine et en Syrie attestent que l'évaluation incorrecte de la situation par les analystes et la qualité horrible de l'information fournie par les agents ont conduit à des développements incontrôlables dans les deux pays.

Après le revers concernant le soutien des islamistes en Syrie, le renseignement américain a poussé l'administration à s'engager dans les « guerres des oligarques » ukrainiennes et n'a pas pu lui expliquer de façon compréhensible l'essence de la « crise criméenne ». Il est vrai que Dianne Feinstein, présidente de la commission du renseignement du Sénat, a donné une explication raisonnable des événements lors d'un débat télévisé à CNN : « La Crimée est un territoire essentiellement russe, un référendum y a été organisé. Je pense que c'est là-dessus que tout a été déterminé ».

Mais pas pour tout le monde. Le général Philip Breedlove, commandant des forces de l'OTAN et des Etats-Unis en Europe, a communiqué que selon l'information dont il disposait, le Kremlin se proposait de « créer un corridor vers la Crimée et la Transnistrie, d'attaquer du Nord Odessa et de s'en emparer ». Ensuite, il a exposé l'information sur les projets de la Russie d'occuper l'ensemble du Sud-est ukrainien.

C'est là un vieux problème du renseignement américain mentionné par la BBC dès la fin de 2011 : « Les gens qui collectent l'information, savent bien calculer et sont experts en missiles, peuvent évaluer le potentiel de production des usines d'armements et ainsi de suite. Mais il leur est beaucoup plus difficile de mettre en évidence les processus politiques et sociaux latents au sein de la société ».

Le renseignement n'arrive pas, en effet, à déceler, à interpréter ni à faire une prévision juste. Six mois avant la fuite du pays du chah d'Iran, le renseignement américain rapportait que rien ne promettait une révolution dans ce pays. 20 ans plus tard, une estimation erronée des processus internes a eu conséquence une situation dans laquelle les dépenses engagées en Irak et en Afghanistan ont outrepassé les avantages stratégiques. Pour les mêmes raisons, des citoyens américains ont été tués en Libye.

Pour des raisons inconnues, le renseignement américain a pris l'habitude, depuis longtemps, de rendre un mauvais service aux dirigeants de son pays.

Dès avril 1961, après l'échec du débarquement des contre-révolutionnaires cubains dans la baie des Cochons, la CIA a déclaré que le président Kennedy aurait dû prévoir le soutien du débarquement des « insurgés » par l'armée américaine. Mais Kennedy n'a même pas été renseigné de cela !

A la veille de l'invasion de l'Irak, le secrétaire d'Etat Colin Powell a évoqué lors d'une réunion du Conseil de sécurité de l'ONU l'existence en Irak d'armes d'extermination massive. En février 2011, il s'en est pris lui-même au renseignement, l'accusant d'avoir fourni des informations erronées.

Tout s'est répété en Syrie. Il est vrai que lorsqu'elle a évoqué le recours aux armes chimiques par le régime d'al-Assad, Dianne Feinstein a souligné que l'erreur irakienne ne se reproduirait pas : « Cette information diffère (des « données » sur l'Irak). Elle est beaucoup plus exacte ». On a appris par la suite qu'elle ne l'était pas.

Maintenant l'heure est venue de « l'information exacte » sur l'Ukraine.

La façon des Américains d'obtenir de l'information est lui aussi douteux. Ils peuvent faire confiance à n'importe quel charlatan ou provocateur. L'ingénieur chimiste Rafid Ahmed Alwan, auteur de la légende sur les armes irakiennes d'extermination massive, était un aventurier ordinaire. La mise en scène des «attaques chimiques d'al-Assad» a été commanditée aux radicaux islamistes.

La corruption et le recours à la force pour obtenir une information ne sont pas non plus des procédés capables d'apporter des succès stratégiques. Même si quelqu'un aide sincèrement les services secrets américiains, il ne peut pas compter sur le soutien de la part des Américains à un moment difficile.

Il est notoire qu'à l'époque, le médecin pakistanais Shakil Afridi a confirmé à la CIA la présence de Ben Laden à Abbottabad. Fin mars 2014, il a été condamné au Pakistan à 22 ans de prison après une enquête de plusieurs années. Tous se rendent compte qu'il a été condamné pour l'assistance accordée à la CIA. Cependant cette dernière ne s'empresse pas de le sauver.

Il serait naïf de croire que « les Etats-Unis devraient renoncer à l'idée de conserver un service de renseignement secret dans une société démocratique ouverte », comme l'écrit Politico. Les Etats-Unis n'y renonceront pas.

Mais ils doivent faire quelque chose avec leur service de renseignement, qui est trop onéreux et peu fiable.