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L’Arabie et l’Iran nucléaire : regret ou jalousie ?

L’Arabie et l’Iran nucléaire : regret ou jalousie ?

Est-il normal que Riad, après avoir été interdit d’accès au nucléaire, s’irrite contre l’accord conclu à Genève. Sachant que Téhéran n’y est pour rien.

 C'est vrai que Riyad voit en Téhéran un adversaire, s'agissant d'exercer l'influence régionale ; l'Arabie saoudite pourrait se trouver incommodée, en quelque sorte, dans son univers périphérique et sa zone d'influence, à titre d'exemple, en Irak, au Yémen, au Koweït, à Bahreïn, en Syrie et en Jordanie.

Il ne faut cependant pas oublier à quel point l'Arabie saoudite a fait preuve de conservatisme dans les milieux internationaux, sans jamais adopter un langage dur au contrecourant de la vague d'évolutions mondiales, moins encore face aux Occidentaux et surtout les Etats-Unis.

Donc, comment se fait-il que l'Arabie saoudite boude en voyant les grandes puissances et l'Iran s'entendre à Genève ?

N'est-ce pas que cet accord réduira la menace de guerre ainsi que les tensions régionales, qu'il renforcera la surveillance internationale sur le programme nucléaire iranien et aidera au règlement d'autres dossiers régionaux ? Pourquoi, donc, l'Arabie saoudite devrait ne pas profiter de cette opportunité, pourquoi devrait-elle adhérer aux alignements anti-iraniens ?

L'Arabie saoudite a signé de grands accords militaires et économiques avec les pays européens et les Etats-Unis et s’attend à ce qu'ils prennent en compte ses  considérations, dans leur approche envers l'Iran ou tout autre dossier ayant un rapport quelconque, entre autres, avec Riyad. En outre, on pourrait dire que d'autres soucis d'ordre idéologique se cachent derrière le mécontentement des Saoudiens.

Pour être plus clair, citons l'exemple de Talal ibn Abdelaziz, demi-frère du roi Abdallah qui s'est retiré du pouvoir. Dans une interview à la chaîne qatarie Al-Jazeera, avant la guerre anglo-saxonne de 2003 contre l'Irak, il avait dit (dixit) : « L'expérience montre que le fait d'entrer sur la scène de la technologie nucléaire serait considéré comme étant une  transgression de la ligne rouge de l'Occident et de la communauté internationale. L'homme politique sage serait celui qui ne se mêle pas à ce jeu et ne pense pas à un bras de fer avec l'Occident ; de la sorte, votre pays ne cause pas de problèmes à la Communauté internationale, et cette dernière non plus, ne vous en causera pas non plus... »

Le fils de cet individu, le prince Walid Bin Talal est un richissime  homme d'affaire saoudien, et qui aime tellement qu'on l'appelle le «Murdoch» des Arabes ! Accidentellement ou non, samedi dernier, alors que les négociateurs iraniens et les 5+1 étaient en pleines négociations nucléaires à Genève, il a lancé des mots durs contre l'Iran. Il a même menacé qu'en cas d'entente entre l'Iran et les 5+1, l'Arabie saoudite se réserverait le droit d'avancer en direction de l'accès à l'arme atomique.

En 2006, lorsque l'ancien leader libyen Mouammar Kadhafi a embarqué ses équipements nucléaires pour les envoyer aux Etats-Unis et en Grande Bretagne, pour dire qu'il s'inclinait devant la volonté de la Communauté internationale à laquelle il souhaitait, selon lui, retourner, c'est en ces termes qu'il a poursuivi explicitement sa parole : « Je ne veux pas vivre le destin de Saddam Hussein. Il a commis une erreur, en se mettant en confrontation avec la Communauté internationale, pour une chose que tout le monde sait, et qu’on ne lui aurait jamais permis d'utiliser... »

Une autre fois, lors d'un discours à l'Assemblée générale de l'ONU, Kadhafi a critiqué le programme nucléaire iranien, en ces termes : «en poursuivant son programme nucléaire, l'Iran n'a fait que s'isoler au sein de la Communauté internationale ; alors que les pays du monde s'avancent vers de nouvelles formations et unions, l'Iran s'est de plus en plus enfoncé dans l'isolement, en insistant sur son programme nucléaire ».

Reculons un peu dans le temps, pour retourner à 1991. Après son retrait du territoire koweïtien, contraint par les forces alliées arabo-américaines, l'Irak s'est penché sur la technologie nucléaire. Cette approche a coûté si chèrement à Saddam Hussein, sans prendre la peine de rappeler son sort...En 2002, l’ancien dictateur a ouvert aux inspecteurs de l'Agence même les chambres à coucher de son palais ; ils ont dit pourtant qu'on ne pouvait pas faire confiance en la personne de Saddam Hussein.

La réalité est que la Communauté internationale n'a jamais permis aux Arabes de penser, même, à des installations nucléaires. A l'époque d'Anwar Sadate, l'ancien Président égyptien, lorsqu'il a proposé la construction dans son pays d'un réacteur nucléaire, les réactions étaient si vives, côté Occidental mais aussi et surtout, de la part d'Israël, qu'il a préféré y renoncer, pour éviter une éventuelle guerre contre l'Egypte. Même lorsque Hosni Moubarak, proche allié des Etats-Unis et d'Israël, était au pouvoir en Egypte, ce pays n'avait pas le droit de penser à construire un réacteur nucléaire à vocation pacifique.

Parlant de la Syrie, lorsqu'en 2008, ce pays franchissait les premiers pas en vue de construire son réacteur, alors que les murs du site n'étaient pas encore complètement érigés, Israël a bombardé ce bâtiment à l'aide de la CIA. En fait, les Etats-Unis et Israël sont unanimes sur une question : les Arabes n'ont pas le droit d'accéder à la technologie nucléaire. Avancer dans ce sens, leur ferait courir le risque de se heurter à de vives réactions occidentales et israéliennes.

Et en ce qui concerne l'Arabie saoudite, elle a annoncé en 2010 avoir l'intention de créer des installations nucléaires, à des fins énergétiques. Quelques mois après l'annonce de cette nouvelle, un accord militaire d'une valeur de 25 milliards de dollars a été signé entre Riyad et Washington. « Les Etats-Unis ont dit aux Saoudiens qu'ils devraient, pour l'instant, acheter ces équipements et ne pas penser à la technologie nucléaire, cela ne plairait pas à Israël », a écrit à l'époque le journal libanais As-Safir.

Nul doute que l'Iran et l'Arabie saoudite vivent une confrontation indirecte de nos jours. Les deux pays expérimentent pourtant une rivalité voire une confrontation en bonne et due forme en Irak, en Syrie, au Liban, au Yémen, au Koweït, en Egypte, à Bahreïn, au Pakistan et en Afghanistan. Les saoudiens voient la Communauté internationale reconnaitre, aux Iraniens, le droit à la technologie nucléaire, ce qui a été interdit, jusqu'ici, aux Arabes. Ne serait-il pas donc normal que l'Arabie saoudite qui s'imagine le représentant du monde arabe, en l'absence de l'Egypte, se mette en colère, envers l'accord nucléaire obtenu à Genève, entre l'Iran et les 5+1 ? Mais dans tout cela, l’Iran n’y est pour rien

 

Une analyse signée Ali Moussavi Khalkhali, et publiée par le site iranien  irdiplomacy.ir. et traduite par Irib