23-04-2024 09:25 AM Jerusalem Timing

Ce qui n’a pa été révelé de la rencontre orageuse Bandar-Poutine

Ce qui n’a pa été révelé de la rencontre orageuse  Bandar-Poutine

Bandar à Poutine:"Nous savons que les groupes tchétchènes menacent la sécurité des Jeux, nous les contrôlons, ils ne se rendent en Syrie qu’après coordination avec nous.."

Le quotidien libanais asSafir a publié sur son site internet les détails de la réunion orageuse qui a eu lieu à Moscou au mois de Juillet entre le président Poutine et le chef des services de renseignements saoudiens le prince Bandar ben sultan.

La réunion qui a eu lieu le 30 juillet dans la maison de Poutine située à la périphérie de la capitale russe,  a duré quatre heures au cours de laquelle il a été question des  relations  bilatérales et d’un certain nombre de dossiers régionaux et internationaux communs.

Les relations bilatérales

Bandar a insisté sur l'importance de développer les relations bilatérales entre les deux pays, soulignant que la mise en valeur des intérêts peut fournir de grands domaines de coopération en citant comme exemples les domaines de l'économie, de l’investissement, du pétrole  et de l'armée.

«Il y a beaucoup de valeurs et de buts communs, notamment la lutte contre le terrorisme et l'extrémisme dans le monde. La Russie et les Etats-Unis, l'Union européenne et les Saoudiens se rencontrent sur  la question de la promotion et de la consolidation de la paix et la sécurité internationales. La menace terroriste s’est développée suite au «printemps arabe» . Nous avons perdu des régimes et en contre partie nous avons récolté les expériences des terroristes comme  l'expérience des Frères musulmans en Egypte et celle des groupes extrémistes en Libye » a affirmé Bandar.

Et d’ajouter: «A titre d’exemple, je peux vous offrir une garantie de protection des Jeux olympiques d'hiver de Sotchi qui aura lieu sur la mer Noire la prochaine année. Nous savons que les groupes tchétchènes menacent la sécurité des Jeux, nous les contrôlons, ils ne se rendent en Syrie  qu’après coordination avec nous. Ces groupes ne nous font pas peur. Nous les utilisons en face du régime syrien, ils n’auront  aucun rôle ou influence dans l'avenir politique de la Syrie ».

Aprés avoir remercié le prince Bandar pour sa visite et saluer le roi Abdallah, le président Poutine affirme d’un ton qui annonce déjà une mauvaise tournure de la rencontre : «Nous savons que vous soutenez les groupes terroristes tchétchènes depuis plus d'une décennie, et ce soutien vous l’avez bien exprimé en toute franchise tout juste maintenant. Et donc, je ne pense pas que nous partageons les mêmes objectifs en matière de la lutte contre le terrorisme universelle. Nous sommes intéressés par le développement de relations amicales selon des principes  clairs et nets ».

Bandar a déclaré que « la question ne se limite pas au royaume, il y a des pays qui ont dépassé leurs rôles définis , par exemple le Qatar et la Turquie ».
 
Il a précisé: «Nous avons dit directement aux Qataris et aux  Turcs que nous refusons leur soutien illimité aux Frères musulmans en Égypte et ailleurs. Le rôle des Turcs aujourd'hui est devenu semblable au rôle du Pakistan pendant la guerre afghane. Nous ne sommes contre les régimes extrémistes religieux : nous souhaitons  instaurer des régimes modérés dans la région. L’expérience de l’Egypte est enrichissante et il faut que la Russie la suive de prés.  Nous allons continuer à soutenir l'armée et nous allons soutenir le général Abdel Fattah al-Sisi, surtout qu’il maintient de bonnes relations avec nous . Nous vous conseillons  de rester en contact avec lui et de le soutenir. Nous sommes prêts à signer avec la Russie  des contrats d'armement dans l’intérêt de ces régimes  et surtout l'Egypte.

Coopération économique et pétrole

Le prince Bandar ben Sultan a d’abord présenté un exposé des différents domaines  de coopération potentiels entre les deux pays si un accord se réalisait sur un certain nombre de dossiers en particulier la Syrie. Il s'arrêta longuement sur le pétrole et la  coopération d'investissement: « Etudions ensemble  une stratégie russo-saoudienne commune  concernant le  pétrole. L'objectif est de se mettre d’accord sur les quantités de pétrole à produire  et le prix du baril afin de maintenir les prix du pétrole sur les marchés mondiaux stables ».

« Nous comprenons votre intérêt pour le dossier du pétrole et du gaz dans la Méditerranée depuis Israël en passant par  Chypre vers le Liban et la Syrie jusqu'à la  Russie. Nous  comprenons aussi ce que représente le pipe-line de gaz russe vers l'Europe, et nous ne sommes pas en concurrence avec vous. Nous  pouvons coopérer dans ce domaine comme dans les domaines de raffineries et de la pétrochimie. Le royaume esten mesure de fournir un énorme investissement de plusieurs milliards de dollars dans divers domaines au marché russe. Mais, il est  important de conclure une compréhension politique sur un certain nombre de dossiers, notamment la Syrie et l'Iran ».

Poutine a répondu que «  les idées avancées au sujet de la coopération en matière de pétrole et de gaz aussi en matière  d'investissement méritent une étude  de la part des ministères compétents des deux pays ».


Mais avant tout..la Syrie

Le chef des services de renseignements saoudiens  s’est longuement exprimé sur  le dossier syrien faisant valoir la position de l’Arabie depuis le premier incident en Syrie à Deraa  jusqu'à aujourd’hui: «Le régime syrien est terminé pour nous et la majorité du peuple syrien ne permettra pas à Bachar al-Assad de rester au pouvoir. La clé pour les relations entre nos deux pays réside dans la compréhension de  notre approche envers la crise syrienne. Et donc, vous devez  cesser votre soutien politique, en particulier au Conseil de sécurité des Nations unies, ainsi que votre soutien militaire et économique, et nous vous garantissons que les intérêts de la Russie en Syrie, sur la côte méditerranéenne ne seront point affectés d'un iota.  La Syrie sera dirigée par un  régime  modéré et démocratique directement parrainé par nous et qui sera tenir compte des intérêts de la Russie et de son rôle dans la région ».

Le dossier iranien

Dans le dossier iranien, Bandar a dénoncé  le rôle de l'Iran régional, en particulier en Irak, en Syrie, au Liban, en Palestine, au Yémen et à Bahreïn et dans d’autres pays, souhaitant à ce  que" les Russes comprennent que leurs intérêts et ceux des pays du Golfe sont communs face aux ambitions nucléaires de l’Iran".

Poutine a répondu en exposant la position de la Russie envers les conséquences du  «printemps arabe»,  surtout après ce qui s'est passé en Libye: «Nous sommes très préoccupés par l'Egypte, et nous comprenons la réaction de  l'armée égyptienne, mais nous sommes très prudents envers la façon dont est gérée la crise égyptienne, car nous craignons  que l’Egypte glisse vers une guerre civile qui  serait trop coûteuse pour les Egyptiens, les Arabes et la communauté internationale. J'ai voulu faire une visite rapide en Egypte .. La question est toujours en cours de discussion ».

En ce qui concerne l'Iran, Poutine a rappelé à son hôte saoudien que « l'Iran est un voisin et que les deux pays sont liés par des relations bilatérales depuis des siècles, et donc il y a des intérêts communs et enchevêtrées depuis des siècles ».

«Nous soutenons  le dossier nucléaire iranien à des fins pacifiques et nous avons aidé les Iraniens à développer leurs sites nucléaires  dans ce sens. Bien sûr, nous allons reprendre les négociations avec eux dans le cadre du groupe des cinq plus un, et je compte rencontrer le président Hassan Rohani, en marge du sommet de l'Asie centrale et nous étudierons un grand nombre de dossiers bilatéral, régional et international.  Et je compte bien réitérer  la position russe opposée pleinement à de nouvelles sanctions contre l'Iran au Conseil de sécurité de l'ONU. Nous croyons que ce qui a été entrepris auparavant comme  sanctions est injuste contre l'Iran et les Iraniens et nous refusons de  répéter l'expérience ».

Erdogan à Moscou en Septembre

Pour ce qui est de la Turquie, Poutine a parlé de son amitié avec le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan, en déclarant: «La Turquie est aussi un voisin et nous sommes liés par des intérêts communs et nous sommes désireux de développer nos relations avec ce pays  dans divers domaines. Dans les rencontres russo-turques, nous avons procédé à un inventaire des questions dans lesquelles nous nous opposons et celles dans lesquelles nous nous entendons. Et nous avons constaté  qu’il existait beaucoup de convergence sur un grand nombre de dossiers   J'ai informé les Turcs, et je vais  répéter ma position à mon ami Erdogan, que ce qui se passe en Syrie a besoin d'une approche différente de leur part. La Syrie baigne dans un bain de sang et la Turquie n’est pas à l’abri.. Les Turcs doivent être  plus entreprenanst dans le sens de trouver une solution politique à la crise syrienne. Nous sommes convaincus qu'un règlement politique en Syrie est inévitable, il revient à eux d'alléger les  dégâts. Notre différend avec eux dans le dossier syrien est politique  et n’influence pas les autres dossiers de coopération économique et d'investissement, et, récemment, nous leur avons dit que nous sommes prêts à coopérer avec eux pour leur construire deux réacteurs nucléaires et cette question sera incluse  à l'ordre du jour lors de la visite du Premier ministre turc à Moscou en Septembre prochain ».

Poutine: Notre position envers Assad ne changera point

Dans la question syrienne, la réponse du président russe à Bandar était sans équivoque : « notre position envers le régime en Syrie ne changera jamais. Nous pensons que le régime actuel est le meilleur régime que puisse bénéficier le peuple syrien, certainement pas  un régime dévoreur de cœur.  A Genève 1 nous nous sommes mis d’accord avec les Américains sur un certain nombre de questions  et ils ont accepté. Voire la question de garder le régime syrien au pouvoir était acceptée  dans le cadre d’un certain compromis. Plus tard, ils ont décidé de se retourner contre  Genève 1 .. Dans toutes les réunions entre des experts russes et américains, nous avons  réitéré notre position, et le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov compte reconfirmer lors de la prochaine réunion avec son homologue américain John Kerry, l'importance de faire tous les efforts possibles pour parvenir rapidement à un règlement politique afin de mettre un terme à l'effusion de sang en Syrie ».

Suite à ce discours, Bandar a mis en garde contre la mauvaise tournure des négociations qui risque d’envenimer la situation, en particulier dans la crise syrienne, regrettant que les Russes n’aient pas compris la position de l’Arabie-saoudite  en Egypte en refusant de soutenir l'armée égyptienne en dépit de leurs craintes sur l'avenir de l'Egypte.

 Le chef du renseignement saoudien a conclu sur un ton belliqueux estimant que le désaccord dans le dossier syrien mène à la conclusion que «l'option militaire est inévitable  , elle est  la seule option actuellement disponible à la lumière d'un blocage d'un règlement politique, et nous croyons que la convocation à la Conférence de Genève 2 sera très difficile dans ce climat orageux».